© Sandrine Bavard Un voyage dans un train à vapeur comme au début du XXe siècle
Emile Zola avait fait de la locomotive à vapeur « la bête humaine ». Et c'est vrai qu'elle râle, qu'elle siffle, qu'elle paraît bien vivante cette machine centenaire, qui avance péniblement sur la ligne entre Cernay Saint-André et Sentheim, à 15 km/h en moyenne. Et toutes ces sensations sont décuplées quand on entre dans le cœur de la machine, dans la locomotive. On y sent le souffle chaud du foyer où brûle du charbon incandescent et en même temps le souffle du vent frais qui entre par les fenêtres : c'est comme avoir un rôti qui brûle dans le four et ouvrir les portes pour chasser la fumée, en se retrouvant au milieu du courant d'air... On y reçoit aussi en pleine face la poussière de charbon qui noircit bien vite les visages. On y aperçoit les bidons d'huile pour graisser les artères et éviter les casses. D'ailleurs, on lui verse des liquides par tous les pores à cette machine : de l'huile donc, de l'eau évidemment, mais aussi un traitement contre le calcaire...
On lui donne aussi à manger avec abondance, surtout dans les pentes : 400 à 500 kg de charbon pour un aller retour entre Cernay et Sentheim. Le chauffeur met des grosses pelletées de charbon dans le foyer pour chauffer la chaudière et produire de la vapeur. Cette vapeur traverse les soupapes jusqu'aux cylindres, et fait avancer les roues. Quand au petit matin, la vapeur est pour la première fois envoyée dans le mécanisme, on dirait que le train a de la fumée qui sort par les oreilles : « Le but est de faire sortir l'eau des cylindres, pour éviter d'endommager la machine », explique Adélaïde, bénévole au sein de l'association Train Thur Doller Alsace.
Le chauffeur n'est donc pas – petit piège - celui qui conduit, mais celui qui sert d'annexe au moteur. Ce matin, c'est Victorien, 17 ans, qui officie : « J'ai craqué l'allumette ce matin à 6h. Il faut compter au moins 3 heures de chauffe avant de rouler. Quand on roule, je dois garder la pression entre 13 et 14 bars et vérifier qu'il y ait de l'eau, sinon ça explose », précise le jeune homme, qui s'est pris de passion très tôt pour le train, habitant en face de la ligne de chemin de fer.
A ses côtés, Bernard, membre de l'association depuis une trentaine d'années, est le mécanicien, celui qui contrôle la machine avant le départ, ressert des boulons, graisses les rouages, et surtout celui qui conduit. « Quand je démarre, je me mets dans le sens de la marche avant, puis je desserre mon frein. Je signale mon départ en appuyant sur la poignée qui émet le sifflet du train, j'appuie sur le régulateur qui sert à régler la puissance de la machine, c'est comme l'accélérateur sur une voiture ». Simple non ?
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