Voilà le symbole ultime de Noël : le fameux sapin de Noël et ses guirlandes ! Son évolution dans l’histoire alsacienne est passionnante. On le sait, Sélestat met très officiellement en avant le fait qu’elle soit la ville où l’on ait retrouvé la « première mention écrite évoquant l’Arbre de Noël » qui date de 1521, dans un registre de la ville. Techniquement, et Gérard Leser nous le précise, il s’agit d’une mention qui stipule le droit d’aller couper des arbres en forêt pour les fêtes de Noël. Du simple droit forestier en somme. Drôlerie historique, en 1555, toujours à Sélestat, on retrouve une mention faisant état de l’interdiction dorénavant d’aller en couper (sans doute en raison d’abus les années précédentes !)
© M. Rosenwirth - Fotolia.com Noël en Alsace et ses traditions décryptées !« Cela dit, dans les Weistümer, sortes de listes médiévales qui fixaient les règles de la société rurale, on trouvait déjà des mentions de cette possibilité de couper du bois avant la période de Noël : mais il était fait état de bois, pas d’arbre de Noël », détaille Gérard Leser. Ainsi, à Bergheim, en 1369, les Weistümer de la ville autorisaient la coupe du bois le soir de Noël, et en précisaient même les limites : « au maximum, la capacité d’un chariot tiré par deux chevaux ».
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Longtemps un symbole protestant
Mais pourquoi un sapin ? Une ancienne légende du XIIème siècle fait état d’un arbre du paradis. On y suspend logiquement des pommes symbolisant Adam et Eve et la chute du paradis. Puis des hosties non consacrées, évident symbole Christique. Noël étant arrêté au mois de décembre, l’hiver fait rage. La plupart des arbres n’ont plus de feuilles... mis à part le sapin, et le houx. Survivant de la forêt, le sapin représente la régénération. Une autre tradition voulait également que l’on mette dans son foyer « quelque chose de neuf », car la période de l’Avent marque le début de la nouvelle année lithurgique. Vers le XVIIème siècle, on s’est mis à suspendre des sucreries au sapin, bientôt données en cadeaux aux enfants. Puis des bougies, ancêtres de la guirlande électrique.
Et les boules de verre ? « Elles figurent les pommes, bien sûr. La rumeur dit qu’au nord de l’Alsace, à Meisenthal, un hiver vers 1850, il y eût une mauvaise récolte, et pas de pommes. Qu’allait-on accrocher au sapin ?! Mais ce n’est pas prouvé ! », s’amuse Gérard Leser. Des siècles durant, le sapin fut considéré comme un symbole protestant. Les catholiques étaient davantage « intéressés » par la crèche, placée dessous.
C'est dans le centre verrier de Meisenthal que vous retrouverez les fameuses boules de Noël.
Qu’y-a-t-il au dessert après le repas de Noël ? De la bûche, bien sûr. « La tradition voulait que l’on brûle très lentement une bûche dans son poêle le soir de Noël. On conservait les tisons puis les cendres. Les tisons devaient protéger la maison des incendies. Les cendres étaient dispersées au printemps sur les champs pour une bonne récolte. Mais bientôt, on allait se chauffer au gaz ou à l’électricité. Les pâtissiers ont récupéré cette tradition de la bûche, toujours présente », détaille Gérard Leser.
Les marchés de Noël, c’est l’élément incontournable du mois de décembre partout en Alsace. Rien qu’au Christkindelsmärik de Strasbourg, cela représente deux millions de visiteurs, dont une bonne moitié de touristes venus du monde entier, 250 millions d’euros de retombées économiques pour la ville, des milliers de nuitées pour les hôteliers des environs...
« Cela ne vient pas de nulle part. Comme on le sait, le premier marché de Noël de la ville s’est tenu en 1570. Mais il existait déjà sous une autre forme auparavant. Le Christkindelsmärik est venu remplacer le marché de Saint-Nicolas, jugé trop papiste d’après les protestants luthériens de l’époque. Les activités marchandes sont associées aux grandes fêtes religieuses depuis le Moyen-Âge », détaille notre folkloriste et historien. Pas étonnant, donc, de trouver aujourd’hui de la bière, des pantoufles ou des Père Noël en plastique sur nos marchés de Noël.
Un bon coup du Comité Régional du Tourisme
Le marché de Noël de Strasbourg a continué bon gré mal gré au fil des siècles. Dans les années 70 et 80, on y trouve surtout des marchands de sapins et quelques vendeurs de confiseries. Pas de quoi fouetter un chat. Gérard Leser complète : « Un groupement d’hôteliers-restaurateurs de Kaysersberg décide de mettre en place un marché de Noël culturel, artisanal et très sélectif en 1987. La formule plaît et fait des émules ». Le mois de décembre était alors le pire moment de l’année pour les hôteliers strasbourgeois. Leur taux de remplissage moyen ne dépassait pas les 36% en 1993... Le Comité Régional du Tourisme et quelques autres acteurs saisissent le taureau par les cornes en imaginant une nouvelle saison touristique axée autour de Noël, tout en mettant en avant une image conviviale et féerique de l’Alsace, à l’image de ce qui se faisait déjà à Kaysersberg. C’est le carton. Les autres villes d’Alsace suivent rapidement.
Dans de nombreux foyers en Alsace, et aussi au sein des églises, on retrouve la coutume de la couronne de l’Avent, l’Advantskrantz. C’est un cercle de verdure, généralement des branches de sapin décorées à la façon d’un arbre de Noël, et où trône quatre bougies, que l’on allume les dimanches qui précèdent Noël. « C’est une tradition récente, qui s’est popularisée en Alsace entre les deux guerres », explique Gérard Leser.
Ce dernier a remonté l’origine de la coutume et la situe vers 1833 à Hambourg en Allemagne, où un pasteur qui s’occupait d’une institution pour enfants défavorisés avait fait réaliser un chandelier portant 23 bougies, une bougie figurant chaque jour précédant la veille de Noël, blanches pour les dimanches, rouges pour les autres jours. Au fil du temps, la coutume s’est diffusée. Les bougies rappellent la venue du Christ sur terre.
Le livre de Gérard Leser, « Noël Wihnachta en Alsace » n’est plus édité mais quelques exemplaires se trouvent encore à la boutique de l’Ecomusée d’Alsace à Ungersheim
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