C’est une petite fleur fragile mais qui vaut de l’or : l’arnica ! Elle est convoitée par les laboratoires pharmaceutiques, notamment pour la filière bio, qui la transforme en granules, gels, baumes, teintures-mères... Car l’arnica possède de nombreuses propriétés thérapeutiques, et notamment anti-inflammatoires qui permet de soulager les traumatismes : bosses, plaies, œdèmes...
© Fabien Dupont Une cinquantaine de cueilleurs récoltent en moyenne 8 à 9 tonnes de fleurs par an sur les sommets vosgiensL’arnica montana de son vrai nom pousse à l’état sauvage dans les Vosges, et presque exclusivement ici, puisque le massif fournit 90% de la récolte sauvage en France. C’est au tout début de l’été, fin juin/début juillet, que la cousine de la marguerite pointe le bout de son nez, tapissant les hautes-chaumes : « C’est comme un tableau de Van Gogh, avec ces champs couverts de fleurs jaunes. Le massif du Markstein présente la plus grande densité. On en trouve aussi dans le secteur du Grand Ballon, mais de façon moins exceptionnelle », précise Fabien Dupont, chargé de mission Natura 2000 au sein du Parc naturel régional des Ballons des Vosges. Sa mission ? Préserver les milieux naturels rares en Europe.
Et l’arnica, plante rebelle qui ne se laisse pas cultiver, s’est faite de plus en plus rare dans les années 2000, poussant les cueilleurs à tirer la sonnette d’alarme. En cause, les pratiques agricoles et notamment le traitement des sols à la chaux pour produire plus de fourrage pour les bêtes. « Le problème de l’arnica, c’est qu’elle ne supporte pas l’apport de chaux, de fumier, d’engrais. Quand il y a modification des sols, cela favorise des plantes concurrentes, comme les graminées qui vont se développer et étouffer l’arnica. Avant qu’il n’y ait plus rien, on a décidé d’agir, en concertation avec les éleveurs, les cueilleurs, les laboratoires, les gérants de stations de ski. L’enjeu pour nous est de conserver cette ressource et que tout le monde s’y retrouve », poursuit Fabien Dupont.
Toutes les parties concernées ont ainsi signé une convention en 2007 pour réglementer à la fois les pratiques agricoles et la cueillette d’arnica. Tous, qu’ils soient des cueilleurs professionnels venant de toute la France embauchés par les grands laboratoires (Weleda, Boiron, Wala, Lehning…) ou qu’ils soient des agriculteurs vosgiens en quête d’un complément d’activité, doivent se plier à des règles strictes : ne cueillir que les plantes en pleine floraison, le faire à la main ou tout au plus avec un sécateur, laisser un pied tous les 5 mètres pour les butineuses, laisser les plantes avec des fleurs fanées pour le semis… « Ces règles ont peut-être changé la donne pour les mauvais cueilleurs, mais elles ont surtout validé les bonnes pratiques existantes. C’est un accord exemplaire, que beaucoup de Parcs naturels régionaux nous envient, parce qu’il n’y a pas tellement d’exemples de plantes qui sont à la fois protégées et commercialisées », souligne Clément Urion, associé au GAEC La ferme du bien-être à Gérardmer, qui défend au niveau national les intérêts des cueilleurs d’arnica du Markstein.
Cet accord est d’autant plus exemplaire qu’il laisse aussi la place aux petits producteurs : « Et même de plus en plus, se félicite Clément Urion. Avant, on devait payer un droit à chaque commune, ce qui pouvait revenir cher si on ne récoltait que 2 kg sur une commune par exemple. Maintenant, on paye une taxe au poids ce qui est beaucoup plus juste. Chez nous, on ne récolte que 10 kg pour faire de l’huile de massage, mais c’est un produit important dans notre gamme. Au-delà de l’aspect commercial, c’est une plante emblématique des Vosges, qui fait partie de l’identité montagnarde ».
D’ailleurs, le rituel est immuable ! Chaque été, c’est un cueilleur vosgien qui se rend sur le massif pour déterminer le meilleur moment pour cueillir la fleur, en accord avec les institutions. Le Jour J, les cueilleurs se lèvent avant l’aube, à 3 ou 4 heures du matin, pour récolter l’or des Vosges : ils le feront pendant une demi-journée pour les petits producteurs, et pendant plus d’une semaine pour le laboratoire Boiron, le spécialiste de l’homéopathie, le plus gourmand de tous.
Mais chacun devra respecter la nouvelle convention, signée le 22 juin dernier à la ferme du Treh au Markstein, imposant des quotas : pas plus de 55 cueilleurs autorisés par saison et pas plus de 11 tonnes récoltées. Et ce, même si l’espace protégé s’est agrandi à 150 hectares, avec les communes de Munster, Soultz et Goldbach qui ont rejoint le dispositif après celles de Ranspach, Oderen et Fellering.
Toutes ces contraintes ont permis de préserver cette ressource sur les dix dernières années : « On a fait un suivi de la végétation et on peut dire que la convention a eu un effet favorable sur l’espèce », déclare Fabien Dupont du réseau Natura 2000. « Dans les zones où la chaux a été épandue, la plante a été détruite et ne s’est pas relevée. En revanche, au sein des hectares conventionnés, la plante se maintient », précise le producteur Clément Urion.
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