C'est la table étoilée la plus au sud de l'Alsace : l'Auberge Saint-Laurent, située en plein coeur de Sierentz. Dans ses murs s'y joue une constante partie du jeu des 7 familles. Il y a le papa, Marco, la maman sommelière, Anne. La fille en charge de l'hôtel de l'auberge, Marie, et le fils, Laurent. Marco Arbeit a tenu le restaurant jusqu'en 2009. Sa recherche constante de l'excellence lui a valu une étoile Michelin en 2000. Mais qu'on ne s'y trompe pas : aujourd'hui, c'est bien son fils Laurent, 32 ans, qui tient la barre du vaisseau, aussi bien en cuisine qu'en coulisses. Même si le panneau sur la facade de l'établissement affiche toujours le prénom du papa.
© M.O. Laurent Arbeit et son second, Régis« Mes parents ne sont jamais très loin et leur présence m'est précieuse. Quand j'ai de grandes décisions à prendre, je les consulte toujours : c'est le conseil des sages », plaisante Laurent Arbeit, jovial et naturel, visage poupin, jean et baskets ; un petit mot sympa pour chacun de ses employés avant le service.
« J'ai appris à marcher ici. Bébé, mon père m'emmenait avec lui sur les marchés. Forcément, on peut parler de déterminisme. Il me vient un souvenir très fort : à treize piges, papa nous emmène manger à l'Auberge de l'Ill. Avec ma soeur, on est "enfin assez grands pour apprécier", qu'il disait. En fin de repas, Paul Haeberlin vient nous saluer. Puis me demande ce que j'aimerais faire plus tard... Je lui réponds de but en blanc : apprendre la cuisine chez vous ! Il m'a dit tope là ! » La suite du parcours du jeune chef laisse songeur : il découvre la vie d'une brigade lors d'un stage chez Olivier Nasti. Plus tard, il intègre effectivement l'Auberge de l'Ill, où il reste quatre ans. Il décroche la médaille d’or nationale aux Olympiades des métiers en 2003 et officie chez Franck Cerruti, bras droit de Ducasse.
« J'aurais bien continué encore quelques années le tour des établissements prestigieux, mais en 2009, mon père me dit : j'arrête tout, si tu ne veux pas reprendre l'Auberge, je la vends. Inconsciement, j'ai toujours su que je reviendrais au bercail - mais je voulais un peu y réfléchir ! Il semblait pressé, ça s'est fait très vite », se remémore Laurent. Il secoue légèrement la tête. « Une fois revenu ici, j'étais content, mais je me suis dit : merde, pourquoi avoir autant précipité les choses... Et paf, il nous fait un gros malaise cardiaque. Il n'exagérait pas, le père... »
C'est à ce moment-là que Laurent Arbeit prend pleinement conscience de ses nouvelles responsabilités, lui qui était « cuisinier mais pas encore restaurateur ». L'Auberge Saint-Laurent, c'est un sacré morceau : 23 personnes y travaillent. Et 7 nouvelles recrues sont venues s'ajouter aux effectifs ; elles officient au Bistrot à côté, le nouveau projet de Laurent, qui a ouvert il y a deux mois à peine.
« L'âme de l'Auberge est toujours la même. Quand j'ai repris le flambeau, j'y ai changé très peu de choses, j'ai calé ma foulée dans celle de mon père et de l'équipe en place. Régis, mon fidèle second, est là depuis 25 ans ! Je n'ai pas souhaité faire ma révolution en cuisine. Le bistrot, en revanche, c'est à 100% mon bébé. Une opportunité s'est présentée quand nos voisins ont mis en vente le bâtiment mitoyen. J'ai de suite imaginé un bistrot moderne, avec le même esprit qu'ici. Quand vous faites du gastro toute la journée, vous prenez un plaisir fou à retourner à des petits plats plus simples ». La vente a été facilitée par le fait que Laurent ait fait son apprentissage chez Paul Haeberlin, que la voisine connaissait bien. « Monsieur Paul lui avait dit un jour en alsacien : d'Laurent, s'esch a liaba (ndlr : c'est un amour) je sais que ça a plaidé en ma faveur ! », s'amuse-t-il.
« Du bistrot d'accord, mais on ne rigole pas avec la qualité des produits. Le radis résume bien le truc, avec son destin très différent ! Dans l'assiette, c'est le même, mais à côté, on le croque comme ça, avec du bon beurre, tandis qu'au Saint-Laurent, il termine en fine dentelle sur un tartare de langoustine » Midi. Le service démarre et d'alléchantes assiettes nous passent sous le nez. Knepflés comme un risotto avec asperges et morilles, oeuf mariné et artichauts fondants, petit rouget fourré...
Les beaux jours, il est possible de réserver une table sur l'agréable terrasse d'été. Et si jamais vous êtes trop fourbu pour rentrer, vous pouvez toujours demander l'une des dix chambres à thème à l'étage. Marie Arbeit nous fait la visite. Chaque chambre est décorée en fonction du métier d'un ancêtre de la famille. Il y a la laitière, le meunier... Coup de coeur pour la Mimosa où chambre et salle de bains forment une seule et même pièce.
« J'ai une équipe soudée, entre les piliers qui ont 20 ans de maison et derrière, des jeunes à qui je fais confiance et qui en veulent. Les jours plus calmes, ils se plaignent de ne pas avoir de coup de chaud ! », confie Laurent. C'est dans cette optique que Didier, 10 ans de pâtisserie en boutique dans les doigts, a décidé de changer d'existence il y a un peu plus de deux ans : « Il fallait que j'aille chercher autre chose. La pâtisserie chez un étoilé, ça n'a rien à voir avec un rythme de boutique... c'est incroyable ! », s'enthousiasme cet amoureux du chocolat, qui prend grand plaisir à nous faire goûter tout ce qu'il prépare. Son Très fort en chocolat, sorte de Snickers glacé en mode tuning gastro nous a mis K-O.
« On ne cuisine jamais aussi bien que quand on est heureux ! », conclut Laurent Arbeit, qui attend l'arrivée de Bébé Arbeit cet été... Dans ce cas, si Laurent dit vrai, sa cuisine devrait être encore plus savoureuse d'ici peu !
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