Propos recueilli en septembre 2012.
© Christophe Urbain Thibaut WengerThibaut Wenger a commencé sa très jeune carrière à l’âge de 6 ans en devenant assistant pour un clown russe de son village dans la Vallée de Munster. Quelques 20 années plus tard, on est très loin de la pitrerie et de la rigolade. L’acteur et metteur en scène préfère en effet se frotter à des auteurs - essentiellement allemands - tels que Georg Büchner, Heiner Müller, Heinrich Von Kleist où l’on nous parle de trahison, de vengeance, de ruptures de transmission…
Fraichement diplômé de l’INSAS en Belgique, il se fait remarquer avec Woyseck de Georg Büchner, l’histoire d’un soldat qui perd la raison après des expériences médicales et tue par jalousie sa femme, produit par le théâtre Océan Nord à Bruxelles. C’est au cours d’atelier d’alphabétisation que jaillit une idée : « On répétait ces scènes pendant les ateliers avec des Guinéens, Turcs et d’autres immigrés qui reformulaient le texte à leur manière dans une langue un peu tordue, un créole urbain que nous avons appelé Baragouzeck. Et nous avons retraduit tout le texte dans cette langue », raconte le metteur en scène. Que lui a appris l’école belge ? « On fait feu de tout bois dans le théâtre : on l’aborde avec une certaine distance, on ne fait pas du plateau l’endroit du beau, de l’élévation spirituelle », souligne-t-il.
D’où une certaine irrévérence. Si Marius Van Mayenburg, dramaturge allemand, entendait ce qu’il raconte sur son Enfant froid, il se retournerait probablement dans sa tombe. Comme il est vivant, il se contentera de se vexer : « Ce n’est pas un auteur que j’adore, contrairement à Buchner ou Muller qui m’écrabouillent complètement. J’ai monté cette pièce en jouant avec ses limites, presque en se foutant de sa gueule : elle prend une facture de série tv, puis de cinéma hollywoodien, avant d’entrer dans plus de psychologie… Mais d’une manière, c’est politique de produire cette chose un peu creuse, avec un imaginaire qui n’arrive pas à décoller, ces tentatives multiples qui n’arrêtent pas d’échouer. Il y a un désespoir dedans que j’aime bien », explique t-il.Goût de l’inachevé, de l’imperfection, le théâtre de Wenger peut dérouter : « Il y a tout un courant actuellement d’un théâtre de plasticiens, d’un théâtre d’effet, et je n’ai jamais su en faire. Moi, j’aime bien quand les choses mettent du temps à se déployer, et je trouve que les possibilités sont infinies dans le verbe », déclare-t-il.
En Alsace, Thibaut Wenger est surtout connu pour être le directeur du Festival Premiers actes, qui permet à de jeunes artistes de présenter leurs projets de création, abouties ou non, partout dans le Haut-Rhin depuis 2008. Un festival en péril aujourd’hui, après une édition déficitaire : « C’était très difficile cette année parce que les orientations ont complètement changé en cours d’année. La DRAC nous soutient mais si on n’obtient pas une convention claire sur trois ans avec l’engagement de collectivités, on arrêtera. On ne revivra pas une année de calvaire ! ».
Thibaut Wenger souhaite désormais installer sa compagnie Travaux Publics à Mulhouse. Mais comme toujours, le nerf de la guerre est l’argent : « On veut pas simplement y avoir une boîte postale, mais pouvoir travailler sur le territoire et avoir les moyens de le faire, un peu comme ces ateliers ouverts que nous avons menés à la Cité Briand, un quartier passionnant qui concentre une force vitale incroyable ! » En attendant, il continue d’avoir un pied en Alsace, l’autre en Belgique, où il monte du Platonov pour Océan Nord à Bruxelles.
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