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Simone Adou, artiste

De la souffrance à la conscience. C’est le cheminement, pas seulement artistique, de Simone Adou ces 26 dernières années. Au Musée des Beaux-Arts de Mulhouse, elle invite le spectateur à pénétrer dans sept « chambres », et en quelque sorte dans son intimité.

Propos recueillis par Sandrine Bavard en mars 2016.

Le corps est l’unique sujet de Simone Adou depuis  plus de 40 ans DR Le corps est l’unique sujet de Simone Adou depuis plus de 40 ans

« Je considère le corps humain comme une chapelle. Il y a un trésor au fond de nous », déclare Simone Adou qui n’a cessé de mettre à nu le corps depuis sa sortie des Beaux-Arts de Mulhouse au début des années 70. À commencer par le sien, avec des autoportraits dans des postures très acrobatiques : « Je ne me sentais pas à ma place, j’ai fait de mon corps mon propre laboratoire, pour me trouver et sublimer mon mal-être », commente-elle. Aujourd’hui, il lui arrive de sublimer celui des autres, au travers d’ateliers d’arts plastiques dans des centres de réadaptation et dans des hôpitaux de jour au contact de patients souffrant de troubles cognitifs : « Ils sont à un moment de leur vie où tout chavire. La création est fantastique, elle permet d’évacuer le mal être et permet de se revaloriser ».
À un moment où elle était aussi à la dérive, Simone Adou a découvert la philosophie bouddhiste dans un temple en Bourgogne : « J’ai fait des retraites de silence et de jeûne pour évacuer le trop plein. Pour moi, la philosophie bouddhiste est ce qu’il a de plus ouvert comme pensée, et c’est en même temps une libération. Quand j’ai compris les liens d’interdépendance, ma vie a basculé : chaque acte a ses conséquences, chaque chose arrive quand elle doit arriver. Ce qui m’intéresse, c’est la conscience du moment présent, donc je pratique constamment, même en faisant la cuisine. »

La dualité de l’être

En peinture, cela correspond à une rupture. Avant 1999, les œuvres sont empreintes de souffrances, comme avec les gueules cassés et les caricatures effrayantes de la première « chambre » : « Au début, j’étais influencée par les artistes germaniques comme Otto Dix ou Egon Schile, par l’expressionisme allemand, des choses assez dures», admet l’artiste. Après 1999, Simone Adou commence à faire le vide autour de ces corps qui semblent flotter dans l’espace. Elle réalise sa série sur l’apesanteur avec des éléments libérés de l’attraction terrestre : un enfant sur une balançoire, une cruche en lévitation… Elle entame aussi une série sur l’équilibre, avec des chaises bancales, des corps renversés… Avec toujours en arrière-plan cette notation de dualité et de confrontation : « La contradiction est présente en chacun de nous : il y a la partie ombre, le magma, l’inconscient... et la partie lumineuse, notre instinct de survie qui nous pousse vers le haut. Même quand y a l’amour, il y a le précipice pas loin. On a toujours besoin de jouer les équilibristes entre les deux. »

Une autre expérience va nourrir l’imaginaire de l’artiste : dormir à la belle étoile dans les Vosges, seule, dans son sac de couchage : « Je voulais me confronter à mes peurs et les dépasser. La nuit, c’est angoissant : il y a des bruits en permanence, les vôtres et ceux de la nature. » À son retour en plaine, elle peint une série sur les cycles lunaires et l’empreinte de pas du premier homme sur la lune. L’an dernier, encore, elle s’imprégnait de l’éclipse totale du soleil , dans cette « atmosphère un peu irréelle » pour donner naissance à une femme libellule.

Des êtres anthropomorphiques, qui atteindraient presque le statut de divinités, c’est le dernier sujet d’études de Simone Adou, initié en 2013. On les découvre dans la dernière « chambre » : des éléphants en position fœtale, des cerfs à dimension humaine, des femmes à tête de girafe… « Ces corps en mutation sont influencés par le chamanisme, peut-être issus de mes expériences dans la nature. Je travaille de plus en plus de façon intuitive, je vais puiser au fond de moi pour en ressortir des choses très primaires, très animales », confie l’artiste. L’exposition En a-pesanteur réunit ainsi ses ambivalences, de la souffrance à la conscience : « Ce serait un peu comme un cinéaste qui filme le corps en gros plan et qui s’éloigne au fur et à mesure pour regarder d’en haut. »

Des goûts & des couleurs

En boucle sur votre Ipod ?
Quand je crée, j’écoute les chants diphoniques mongols et les chants ethniques. Sinon, « Les six suites pour violoncelle de Jean-Sébastien Bach ».

Votre livre de chevet ?
Le grand livre de l’Univers

Une personnalité que vous admirez ?
Bartabas, quelqu’un qui a réalisé son rêve, en a fait une réalité, et vit sa sa vie comme un sacerdoce.

Un endroit où vous vous sentez bien ?
Dans le vide intérieur

Votre resto préféré dans le coin ?
La tête de chou, restaurant végétarien à Mulhouse

Ce qui vous émerveille dans la vie ?
La force de la nature, les forêts, les arbres…

Votre dernière grosse colère ?
Ce qui provoque ma colère, c’est l’indifférence. Il n’y a rien de pire...

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