Propos recueillis en mai 2011.
DR Nouara Naghouche, l’art comme thérapieElle se présente comme une AA, comprenez Alsacienne Algérienne. Ce qui lui permet deux choses : raconter son parcours de femme issue de l'immigration et d'imiter irrésistiblement l'accent alsacien... « Je fais ce métier depuis 10 ans et je n'oublierais jamais d'où je viens et comment le théâtre est venu à moi : avec de la persévérance et du plaisir. Le strass et les paillettes ne m'intéressent pas. Je place l'humain au-dessus du fric. C'est l'éducation de mes parents. »
Petite dernière d'une famille de 9 enfants, Nouara Naghouche a grandi dans les quartiers populaires de Colmar dans une famille modeste, puis a fréquenté les foyers pendant 10 ans. A l'école, elle se heurte à des discours terribles : « On m'a dit : « Qu'est-ce qu'on va faire de vous ? A part le balai-brosse et la serpillère... C'est humiliant et dégradant, l'Education nationale m'a beaucoup découragé. » Pas étonnant alors qu'elle fonce aujourd'hui dans les collèges et les lycées prêcher la bonne parole : « Je dis à ceux qui veulent devenir médecin ou comptable de ne pas laisser tomber et de ne pas se laisser bouffer par les aigris. »
Parce qu'un jour, on lui a fait confiance. Et c'est parti d'un petit rien : des habitants de son quartier lui demandent de monter un spectacle pour la fête de quartier connaissant son côté « bout en train ». Une éducatrice va la mettre en relation avec une metteure en scène parisienne, Barbara Boichot, qui va l'aider à produire « Nous avons tous la même histoire » en 1999, un spectacle où elle raconte sa vie et la société par le biais de l'humour. « Barbara m'a écouté généreusement et elle a cru en moi. Elle m'a aussi donné une ouverture à la culture, moi qui pensais que c'était réservée à une élite. Je n'avais jamais mis les pieds dans un théâtre et voilà que je me retrouve seule sur scène. »
Et cette scène est un exutoire parfait : « Les mots que j'ai mis sur mes maux m'ont permis de vider mon sac, mon trop plein de souffrances. Un poids est tombé. Le théâtre est vraiment pour moi une thérapie. Il m'a appris à prendre sur moi, à prendre de la distance avec les agressions gratuites et la stigmatisation que je vivais. Je suis moins impulsive, moins sur la défensive, davantage dans la réflexion et la répartie constructive. »
Alors qu'elle vivait jusqu'à présent de boulots dans l'hôtellerie et l'animation, Nouara Naghouche va enchaîner les collaborations au théâtre. Avec la Cie Quartier Rose, elle lit des textes du poète marocain Abdellatif Laâbi dans « Exercices de Tolérance », et créé son deuxième spectacle solo « Ca n'arrive qu'aux autres ». Elle participe également au dispositif d'action culturelle de l'Atelier du Rhin et joue dans trois spectacles.
Elle y fait surtout la rencontre de Pierre Guillois qui la fera ensuite jouer le Père Ubu dans « Ubu Roi » au Théâtre du Peuple à Bussang. C'est sa première pièce classique, son premier rôle principal, son premier rôle masculin. « C'était un vrai challenge. J'ai dû me raser à blanc, j'ai mis deux jours à me regarder dans la glace. Mais ce rôle a bouleversé ma vie : j'ai réalisé ce à quoi je tenais vraiment. Ca m'a beaucoup aidé à me projeter et à prendre de l'assurance. »
Toujours avec Pierre Guillois, elle écrit et monte « Sacrifices », ce one woman show à succès qui va révéler Nouara Nagouche sur la scène nationale. Un coup de projecteur qui a un peu changé le regard des autres : « J'ai vécu le racisme en Alsace. Avec la notoriété, on me voit moins comme une maghrébine, et plus comme une artiste accomplie. » Encore aujourd'hui, on lui pose la question qui fâche : « Mais vous avez fait quelle formation ? » Question à laquelle elle répond : « L'école de la rue, de la vie, et ce n'est pas une tare. »
Nouara Naghouche veut renvoyer l'ascenseur aujourd'hui, dans les quartiers ouest de Colmar, là où tout a commencé. Elle veut monter l'année prochaine un projet de comédie musicale en partenariat avec les centres sociaux-culturels et les habitants du quartier. « Je veux faire quelque chose de festif, de déjanté, qui donnera de l'éclat aux quartiers. Ca s'appellera peut-être comme ça : éclat de joie, éclat de rire. »
Pour Nouara Naghouche, le spectacle « Sacrifices » signe la fin de la thérapie, avec ses morceaux de vie puisés dans le quartier où elle a vécu à Colmar. Elle y raconte sa vie et la société, le racisme et la soumission : « J'ai voulu rendre hommage à mon quartier et aux personnes qui me touchent. J'ai surtout voulu défendre la cause des femmes, et la violence qui leur est faite », commente-t-elle.
Dans ce spectacle, on croise une galerie de personnages : Marie-France, la militante associative, Zoubida, une femme battue, une voisine raciste... Pour ce spectacle, elle mélange ses cultures, passant de l'arabe au français, de l'accent alsacien à banlieusard. Et elle sort ses tripes, le vivant avec une force et une intensité qui lui ont valu le succès auprès des critiques comme du public. Elle a ainsi été nominée au Molière comme révélation théâtrale en 2009, a joué partout en France et notamment plusieurs semaines au Théâtre du Rond-Point à Paris. Elle repart pour une tournée de 30 dates en 2012 à travers toute la France.
Besoin d'idées sorties dans votre ville ?
Recevez les meilleures idées sorties par notification web !
Aucun email requis.
Autoriser les notifications pour continuer.
Recevez les meilleures idées sorties par notification web !
Aucun email requis.
Une seconde fenêtre va s'ouvrir vous invitant à autoriser les notifications