Martine Zussy est arrivée au cœur de la bataille. Quand l’association Motoco était placée en liquidation judiciaire en novembre 2016, mettant un terme à un projet utopique : penser la société post-industrielle avec des artistes et des créateurs.
© Sandrine Bavard Martine Zussy est désormais aux manettes de Motoco sur la friche DMCLa ville, dirigée alors par Jean Rottner, est venue mettre un peu d’ordre dans les affaires courantes et a missionné Martine Zussy et Sandrine Wymann de la Kunsthalle pour élaborer un projet fort pour le bâtiment 75, porte d’entrée sur le site en friche de DMC. Entre autres mots : sauver Motoco. Pas une mince affaire…
Remonter une association avec un collectif d’artistes ? Trop risqué. Élaborer un projet porté par la collectivité ? Pas assez souple. Une autre voie se dessine : créer une société privée. Martine Zussy, ancienne responsable marketing et chargée de développement économique à la CCI, convainc six autres entrepreneurs de se lancer dans l’aventure. Ce sera SAS Motoco & Co, créé en janvier dernier et qu’elle préside. « Ce n’était pas du tout calculé. Quand Jean Rottner m’a missionné, Motoco était dans une panade pas possible, je ne me suis pas posée de questions, j’étais en mode urgentiste. Puis j’ai glissé vers un investissement personnel et j’ai tellement bataillé pour trouver des ressources extérieures que c’est devenu un projet que je porte. Ce n’est même pas un choix, c’est une évidence. Je ne sais pas si j’aurais été capable de faire ce choix, parce que ce n’est pas celui d’une tranquillité de vie. »
Plus habituée au monde de l’entreprise et des collectivités, Martine Zussy découvre un autre monde avec les artistes. « Ils sont sans filtre, ils ne trichent pas et c’est parfois très violent. On est sur le fil du rasoir en permanence. Dans une institution, tout est en rondeur, dans le compromis, à tel point qu’on ne sait plus le vrai du faux. Mais j’ai plaisir à être dans un milieu où l’humain est au cœur du sujet. »
Motoco, dans sa nouvelle version, conserve sa vocation artistique, avec la location d’ateliers à des prix très attractifs à 125 artistes et créateurs actuellement, jusqu’à 160 demain. « Beaucoup de lieux font de la diffusion, mais peu font de la production. Et moi je trouve que c’est indispensable dans une ville », confie Martine Zussy. Un exercice forcément déficitaire.
Il faut donc trouver d’autres sources de revenus pour pérenniser l’activité, ce qui passe par le développement de l’événementiel au rez-de-chaussée : « On peut offrir des prestations très singulières avec des scénographies puisqu’on a les compétences et les artistes sur place. L’événementiel est quelque chose de très dense et court, qui n’oblige pas l’artiste à entrer dans une démarche commerciale qui le dénature. »
La société mise sur une centaine d’événements à l’année : lancement de voitures, escape rooms pour des entreprises, rencontres littéraires… « On a une chance inouïe d’avoir cet espace, ce côté underground qui plaît beaucoup, ces surfaces brutes qui nous permettent de faire ce qu’on veut. On n’est pas loin de la ville et en même temps pas dans un quartier résidentiel. C’est génial, tout est possible. »
La société veut aussi créer un fond de dotation pour soutenir des projets artistiques, comme des résidences éphémères ou des partenariats internationaux : des échanges avec Kyoto, Madrid et Berlin sont déjà prévus.
D’ici à la fin de l’année, Motoco ouvrira aussi un pôle image, sérigraphie et menuiserie à l’atelier, situé à l’arrière du bâtiment, avec d’autres porteurs de projets. « Il n’y a aucune ambition financière : ce n’est pas avec un tel projet qu’on va devenir riche, mais on souhaite trouver un équilibre financier ».
Martine Zussy aime ça, relever des challenges : « Dès que ça roule, ça m’intéresse beaucoup moins. J’aime me lancer dans des choses qui semblent impossibles. Je suis dans le faire, j’ai besoin de mettre les deux pieds dedans, je suis vraiment proche du terrain. On se met en danger en permanence mais qu’est-ce que c’est enthousiasmant ! »
Article réalisé en avril 2018
Une musique en boucle ?
Keith Jarrett
Votre livre de chevet ?
Lettres à un jeune poète de Rilke, un bouquin que je trimballe depuis mes 15 ans. Un échange entre un poète en devenir et Rilke qui le pousse à trouver des réponses en soi et pas chez les autres.
Une personnalité que vous admirez ?
Howard Buten, un psychologue devenu artiste. Il a pris le meilleur chemin pour répondre à son objectif de vie : faire avancer l’humain et en particulier les enfants.
Un endroit où vous vous sentez bien ?
Chez moi, près de la fenêtre. J’aime être assis dans mon fauteuil comme une vieille à contempler. J’ai autant peur de ne pas savoir agir que de ne pas savoir rien faire.
Ce qui vous émerveille dans la vie ?
Il y a un millier de choses qui m’émerveillent chaque jour, je suis comme une enfant. Mais ça passe toujours par un vecteur humain.
Votre dernière grosse colère ?
À Motoco. J’ai poussé une grosse colère devant des poubelles pas vidées et des choses jetées dans le couloir. J’aime l’ordre et la propreté, c’est mon côté ringard.
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