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Rencontre avec Marguerite Mutterer, une vie romanesque

Elle partage sa vie entre Mulhouse et les Cévennes, mais se consacre entièrement à l’écriture. Après Le récit de Margh, Marguerite Mutterer vient de sortir un nouveau roman C’est vous dont la mère est folle, où elle libère une parole longtemps taboue.

Propos recueillis en avril 2012.

Marguerite Mutterer a déjà la tête à son troisième roman © Sandrine Bavard Marguerite Mutterer a déjà la tête à son troisième roman

Marguerite Mutterer est devenue écrivain sur la tard, en 2008. A la faveur d’une lettre de son premier amour dont elle n’avait pas eu de nouvelles depuis…60 ans. « Il m’a dit qu’il faisait le bilan de sa vie. De fil en aiguille, on s’est raconté nos vies par correspondance, et je l’ai même revu au grand dam de mon mari », plaisante Marguerite Mutterer.

A travers ses lettres, elle reprend goût à l’écriture, ses enfants l’encouragent à publier, et c’est ainsi que sort Le Récit de Margh, une histoire d’amour « magnifique, compliquée et dramatique » pendant la Seconde guerre mondiale, la tranche de vie d’une jeune fille qui raconte 4 ans « d’exil volontaire ».

Une résistance au féminin

Quand les Allemands annexent l’Alsace en 1940, Marguerite Mutterer part à Belfort pour poursuivre ses études en français, puis décroche une bourse à Paris pour devenir assistante sociale. Mais elle n’est pas devenue résistante du jour au lendemain, non par manque d’envie, mais par manque de réseau : « A Belfort, en 40, je côtoyais en classe des gamins résistants : ils réunissaient des armes dispersées et les cachaient dans les faux plafonds de la classe. Un jour, en cours de français, le plafond s’est effondré et les armes sont tombées sur le bureau du professeur, qui heureusement n’était pas encore arrivé. Mais je n’avais pas de relation dans ce milieu, ni à Belfort, ni à Paris. Et quand on demandait si on pouvait servir à quelque chose, on nous traitait comme des gamines… Puis il y a eu des bombardements à Belfort en 44, et on avait besoin d’aide pour s’occuper des blessés. J’y suis allée, j’ai rencontré une fille qui m’a demandé si je pouvais porter un message dans le maquis, j’ai accepté et puis j’ai rempli d’autres missions de renseignements », explique-t-elle. Pendant trois mois, elle est agent de liaison et doit passer entre les lignes de front des deux armées.

Dans ce livre, c’est ainsi la résistance au féminin qui se dévoile : « Dans la guerre de l’ombre, on ne connaissait pas nos noms à nous les femmes, on rend hommage aux grandes figures comme Lucie Aubrac, Germaine Tillion ou Berty Albrecht, mais il y a beaucoup de femmes qui ont été très actives, des anonymes, elles étaient la " femme de ", la " sœur de ", " la fille du renseignement... " » Heureusement, cela n’ a pas empêché ces « petits soldats » d’être récompensés comme les autres, et Marguerite Mutterer a reçu la Croix de Guerre pour ses actes de bravoures.

Libérer une souffrance

Après avoir terminé ses études à Paris, la jeune femme revient à Mulhouse en juillet 1945 où elle devient le fer de lance du centre de réadaptation, au départ un centre qui permet à 40 mutilés de guerre de re-trouver un emploi, aujourd’hui un des plus grands centres de rééducation professionnelle en France. Mais un autre combat l’attend, un combat plus intime, la maladie de sa mère, qui a « perdu la raison », après la naissance d’un de ses enfants, ce qu’on appellerait aujourd’hui une psychose puerpérale, des troubles psychiatriques apparaissant chez la femme enceinte.
Et c’est toute cette enfance et cette souffrance qui sont racontées dans son deuxième roman C’est vous dont la mère est folle. Pourquoi ce titre ? L’anecdote est glaçante : « Quand je suis revenue avec mon futur époux à Mulhouse, je suis allée dans la maison de mon père, qui avait un logement de fonction dans l’usine Frey. Et comme je devais m’occuper de lui et de mes petites sœurs, j’ai demandé au patron de l’usine si je pouvais loger sur place. Ce monsieur s’est levé de son bureau et me dit : " C’est vous dont la mère est folle " comme il aurait dit " C’est vous la fille du boulanger ". » Une histoire qu’elle n’avait jamais dite à personne, sauf à son mari, et qui lui a permis de se libérer : « C’est l’histoire de beaucoup de gens qui ont un enfant handicapé mental, un parent qui a la maladie d’Alzheimer, quelque chose de difficile à vivre. A l’époque de ma mère, il n’y avait pas de médicament, pas de traitement, c’était terrible, c’était le chaos, le chaos, insiste-elle. J’ai écrit pour le besoin d’expulser cette histoire un peu lourde, et pour que les gens qui sont dans la même situation se sentent soulagés, rassérénés, qu’ils se disent que ça arrive à d’autres ».

Un troisième roman en préparation

Marguerite Mutterer qui se dit malheureuse si elle n’écrit pas s’attelle aujourd’hui à son troisième roman où elle puisera une nouvelle fois dans ses souvenirs. « Dans mes livres, je dis "je" mais je ne m’analyse pas, ce ne sont pas des livres d’introspection, je raconte mon histoire et donc celle des gens », précise-t-elle. Elle y évoquera en deux volumes la vie du centre de réadaptation de Mulhouse, qu’elle a dirigé de 1945 jusque dans les années 80.

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