Luc Georges : la photo pour témoigner

Après une carrière dans le graphisme et la communication, Luc Georges se consacre entièrement à sa passion : la photographie, dans une veine sociale. Il expose jusqu’à la fin du mois à l’Origami à Mulhouse ses clichés de migrants, aux frontières de l’Europe, de Calais à Lesbos.

Propos recueillis en janvier 2017.

Les photos de Luc Georges  seront publiées dans trois livres sur l’immigration © Sandrine Bavard Les photos de Luc Georges seront publiées dans trois livres sur l’immigration

« La photo a toujours été une occupation avant d’être une passion », déclare Luc Georges, photographe mulhousien qui a acheté son premier Reflex dans les années 70.

Pourtant, Luc Georges, à cette époque, était déjà bien occupé : il venait de monter son agence de publicité et de communication à Mulhouse et il enseignait le graphisme aux Beaux-Arts de Mulhouse. « Deux activités très complémentaires, précise-t-il. Je pense avoir amené aux étudiants une formation très pragmatique, qui évoluait sans cesse parce que mon métier évoluait sans cesse. Inversement, les étudiants m’ont apporté leur jeunesse, leur fraîcheur, leur refus de certaines conventions. »

Ce n’est véritablement qu’à l’heure de la retraite, à la fin des années 2000, que Luc Georges se met très sérieusement à la photographie, « bousculé » par l’un de ses amis photographe, Jean-Jacques Delattre. Il expose pour la première fois dans le Nord de la France en 2010 avec un travail sur les stations balnéaires de la Côte d’Opale hors saison, sans la vague de touristes.

La photo dans une veine sociale

Mais la plupart de son travail se concentre sur l’Alsace : les maisons des mines à Wittenheim, les fermes dans le Sundgau, les palissages du Rebberg… Et surtout, la cité ouvrière à Mulhouse, lieu qui le fascine. « Mulhouse est une ville difficile à lire qui se situe en Alsace mais qui n’a rien d’une ville alsacienne. Il y a une multiplicité d’endroits. Je me suis demandé qui habitait encore cette cité ouvrière alors que le textile a disparu à Mulhouse. J’ai fait fait poser les gens à l’intérieur de leur maison, et leur "décor" raconte énormément de choses sur eux. C’était important pour moi de le révéler. »

Son travail revêt un caractère tantôt social tantôt sociologique. Qu’il suive des auxiliaires de vie dans leur quotidien pendant 5 mois pour « mettre en avant un métier méconnu », qu’il s’intègre à la communauté manouche pour aller « au-delà des préjugés »… Pour rentrer dans l’intimité de ces sujets, il n’a pas de « recettes » toutes faites, si ce n’est la patience : « Je fais des repérages, je rencontre plusieurs fois les gens, les échanges se font au fur et à mesure, mais je ne force pas non plus… Je ne suis pas un fan du téléobjectif, je travaille assez près des gens, j’aime bien rentrer dans l’image », confie-t-il.

Avec les migrants

Depuis 2014, il est engagé dans un vaste projet, l’édition de trois livres sur la crise migratoire en Europe, avec Pierre Freyburger, ancien candidat socialiste à la mairie de Mulhouse, et d’Éric Chabauty, ancien journaliste aux DNA. « Ces images et textes ne vont pas révolutionner les choses mais c’est une manière de montrer ce qui se passe dans le monde et de donner un éclairage plus précis sur les problèmes d’immigration », commente-t-il.

Le premier livre, Sept jours à Calais, paru en 2015, traite de la jungle : « C’est inadmissible de laisser vivre des gens dans un tel cloaque. On parlait de jungle, et ce n’est pas pour rien : ils vivaient dans des duvets dans des conditions épouvantables, sous le vent, la pluie, le froid… ».

Mais Luc Georges et ses acolytes ont voulu aller plus loin, se rendant dans les camps de réfugiés en Allemagne, sur l’île de Lesbos en Grèce et dans la ville de Gaziantep en Turquie, sur les bateaux des gardes-frontière européen, ce qui fera l’objet d’un second livre à paraître en mars. « Il y a beaucoup d’images sur Calais, mais est-ce que vous voyez des images sur les camps de réfugiés en Allemagne ? Non, pourtant, entre Calais et Heildelberg, il n’y a pas photo et beaucoup de questions à se poser sur l’accueil des migrants en France. Il y a une manière plus humaine d’accueillir des réfugiés, avec un minimum de compassion», souligne-t-il.

Est-ce que son travail est un acte militant, un engagement citoyen ? Luc Georges réfute : « S’engager, c’est accueillir des gens chez soi, être bénévole dans une association. Mes photos, c’est plutôt une façon de participer à un élan…Disons que quand je fais des photos, je suis cohérent avec moi-même .»


Des goûts et des couleurs

En boucle sur votre Ipod ?

Le poids des mots est important pour moi, alors Ferrat, Ferré, Brassens, Brel...

Votre livre de chevet ?

Je suis un accro de l’écrivain Jean-Paul Dubois

Une personnalité que vous admirez ?

Ce n’est pas de l’admiration mais je me reconnais dans Daniel Cohn-Bendit, son fond social et sa volonté de faire avancer l’écologie

Un endroit où vous vous sentez bien ?

Au bord de mer, de préférence avec les marées

Votre café ou resto préféré dans le coin ?

Engel’s Coffe à Mulhouse pour se poser, boire une bière ou un Spritz et regarder le temps qui passe

Ce qui vous émerveille dans la vie ? 

La réponse est dans la question : la vie en elle-même, le quotidien, les rencontres, les saisons...

Votre dernière grosse colère ?

Le monde actuel me met en colère : Trump élu président, Poutine qui joue à je-ne-sais-quoi, Erdogan qui se prend pour je-ne-sais-qui...

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