Propos recueillis en mars 2015.
DR Jean-Luc Heitz, créateur de spectacles médiévauxComment passe-t-on d’instituteur à seigneur ? « Tout à fait par hasard, répond du tac au tac Jean-Luc Heitz, qui campe le rôle de Jehan, seigneur de la Source salée, et préside l’association Lames d’en temps à Soultz. Je faisais de l’escrime sportive au club de Guebwiller quand on nous a demandé de participer aux Médiévales de Ferrette, on a donc appris à faire des combats de chevaliers avec notre maître d’armes et ça m’a tout de suite plu. En fait, on réalise un rêve de gamins : quand on était petit, on a tous fait semblant de se battre avec des épées ou de tirer à l’arc. Là, on le fait avec des vraies armes ! ».
Venu à l’escrime sur le tard, à l’approche de la cinquantaine, Jean-Luc Heitz s’est ensuite formé à ce qu’on appelle l’escrime de spectacle, « avec minimum un stage par an » : « C’est une école de la discipline et de la maîtrise de soi, qui tient aussi bien de la danse que du sport. Tout est écrit à l’avance et précis au pas près pour ne pas blesser son adversaire », indique-t-il. Il a commencé à l’épée, mais a appris à se battre avec d’autres armes : rapière, bâton, couteau, arbalète et même sabre laser…pour pimenter les saynètes qu’il compose avec sa troupe dont la devise est d’ailleurs : « Duel et combat au travers des siècles ».
Mais leur période favorite, c’est bien le Moyen-Age et plus particulièrement le XIIIe siècle. « C’est une période lointaine, longue, qui évolue beaucoup selon les régions et nécessite beaucoup de recherches. Les costumes pouvaient changer tous les 50 ans et nous découvrons des choses en permanence, sur la façon de porter la ceinture ou sur le symbole des couleurs. Par exemple, le rouge était la couleur des robes de mariées ou symbole de richesse car il fallait beaucoup de garance pour obtenir la couleur, il faut donc l’utiliser à bon escient parce que le costume représente ce que l’on est. » Sans être aussi pointilleux qu’une troupe de reconstitution, les membres des Lames d’en temps ne portent quand même que des tissus en fibres naturelles et des accessoires attestés à l’époque, comme des lunettes en bois.
Avec ces costumes, Jean-Luc et toute sa troupe endossent la peau d’autres personnages, nécessitant aussi de savoir jouer la comédie : « Pour moi, c’était facile, parce que j’étais instituteur. Quand on est devant un public, quel qu’il soit, on joue toujours un rôle. Mais cela peut être plus difficile pour d’autres d’être capable d’entrer sur scène, de parler devant un public, de sortir de soi et d’être crédible. On n’est pas professionnel, on apprend tous les jours. »
En scène, Jehan de la Source salée peut charmer une jeune demoiselle avant de se faire traiter de « vieux sénile » par un jeune chevalier, ou se faire dérober son collier en argent avec deux dents de sanglier censé apporter prospérité au village…prétexte évidemment à des combats. En dehors de la scène, chaque membre de la troupe peut animer des ateliers lors des fêtes médiévales : tir à la catapulte, tir à l’arc réel, jeu de tables, atelier de calligraphie, jonglage, frappe de monnaie, démonstration de tissage…
La troupe s’est ainsi imposée dans le paysage local – avec pas moins de 26 sorties l’an dernier – et s’adapte à la demande, mêmes les plus farfelues : combat entre hobbits, elfes et sorcières dans les Jardins du Temps à Illzach, combat au sabre dans une pièce de théâtre dédiée à Pouchkine, combat à la Madmax pour un show en hommage à Johnny Hallyday… Et comme un véritable chevalier, Jehan de la Source salée a la satisfaction du devoir accompli après sa mission : « C’est un plaisir d’être sur scène et de voir le plaisir dans les yeux des gens. C’est vraiment super d’entendre le public réagir sur une parole ou sur un coup .»
En boucle sur votre iPod ?
J’écoute Radio Swiss Jazz quand je travaille et je pourrais écouter en boucle le Stabat Mater de Pergolèse
Un livre de chevet ?
J’ai toujours un polar sous la main et un livre sur le Moyen-Âge qui traîne
Une personnalité que vous admirez ?
Simone Veil, parce qu’elle savait ce qu’elle voulait et s’est battue pour le droit des femmes. Si on ne se bat pas tout le temps pour ça, les acquis sont vite oubliés.
Un bar ou resto préféré?
Le resto tunisien Sherazade à Soultz qui est toujours prêt à donner un coup de pouce aux associations
Un endroit où vous vous sentez bien ?
Au bord de l’eau
Le truc que vous appréciez chez les autres ?
L’ouverture d’esprit
Le truc qui vous énerve chez les autres ?
L’extrémisme et la xénophobie
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