Françoise Saur, photographe

Première femme à décrocher le prix Niépce, la photographe Françoise Saur veut « vivre 1001 vies » à travers la photographie. Que ce soit en Alsace où elle habite ou en Algérie où elle est née.

Propos recueillis en janvier 2014.

Françoise Saur, photographe © Julie Moulier Françoise Saur, photographe

La photographe Françoise Saur revient toujours à l’Algérie. C’est le pays où elle est née, avant de le quitter en 1961, peu avant l’indépendance, pour rejoindre l’Alsace où vivait son grand-père : « Une partie de mes souvenirs est liée à la guerre. Quand on est enfant, on croit que c’est la normalité. En France, quand j’entrais dans les magasins, je levais les bras en l’air pour être fouillée, comme ça se faisait en Algérie. L’autre partie des souvenirs est liée à ces belles années de l’enfance dans ce pays chaleureux, plein d’odeurs, plein de fleurs », se remémore-t-elle.

Décidément, la trajectoire de Françoise Saur est liée aux événements marquants de l’histoire. Après le bac, elle suit des études à l’École nationale supérieure Louis-Lumière à Paris, une école très technique qui la destine peut-être à être « cadre chez Kodak » : « Heureusement, il y a eu mai 68 quand j’étais étudiante et les États Généraux de la photographie, avec Robert Doisneau, Jeanloup Sieff, Denis Brihat… J’ai vu ces hommes qui faisaient de la photographie d’art et je me suis dit que c’était vraiment ce que j’avais envie de faire ». Elle était alors loin d’imaginer que son nom rejoindrait en 1979 celui de ses prestigieux aînés sur la liste des lauréats du prix Niépce, qui plus est la première femme à le remporter, elle qui avait choisi la photographie « un peu par provocation, car il y avait peu de femmes dans le métier ». Puisqu’elle veut faire de l’art, Françoise Saur part étudier à la Folkwangschule für Gestaltung où enseigne le photographe Otto Steinert ou encore la danseuse Pina Bausch : « Une très grande aventure » !

La vie quotidienne dans l’objectif

Très vite, elle publie un premier album Françoise en Alsace, un album sur la vie rurale : travaux de ferme, scènes de bon voisinage, sorties au café… « Ce qui m’intéresse, c’est l’homme et son environnement, car tellement de choses sont liées à la géographie, au climat. Je veux découvrir les mille et une manière de vivre. Ce qui m’intéresse aussi, c’est la vie quotidienne, la vraie vie quoi. L’exceptionnel n’est pas le lot de tout le monde », souligne-t-elle. Que ce soit dans les Vosges ou en Chine, dans le Massif central ou en Algérie, on retrouve toujours cette approche humaine et sociologique : « La photo, c’est quand même une agression. Je ne fais jamais de photo de rue, je ne pourrais pas faire de la presse locale, il me faut vraiment un échange, un contact. J’essaye toujours d’aller dans des endroits où je connais au moins une personne, et la pelote se déroule au fur et à mesure ».

C’est ainsi qu’elle part en Chine, dès 1977, via une association franco-chinoise dont elle fait partie : « C’est l’époque des voyages très organisés dans des pays communistes où l’on nous montre que ce que l’on veut. Il n’y a pas de contact possible à cause de la langue, on ne peut jamais se promener seul… Mais les photos sont quand même historiques », témoigne-t-elle. Dans les années 70, elle retourne aussi en Algérie, baroude dans le pays, son Leïca en bandoulière : « J’ai voyagé très librement en stop, en bus, à pied. L’Algérie, après l’indépendance n’a pas fait le choix du développement touristique comme le Maroc ou la Tunisie, il n’y avait donc pas de saturation de la population qui m’a réservée un accueil extraordinaire ». Vingt ans plus tard, elle retourne sur place, via une association franco-algérienne pour photographier les femmes du Gourara puis passe à la couleur pour la première fois de sa carrière pour livrer des petits contes algériens : « Parce qu’il y a eu Photoshop en 2004, précise-t-elle. Avant, il n’y avait pas d’outils techniques nous permettant de maîtriser la couleur. Souvent, les gens faisaient de la couleur mais sans la prendre en compte réellement. Or, comme un peintre, il faut la choisir, l’harmoniser ». Françoise Saur ne sait pas quelle sera sa prochaine destination. Elle attend la prochaine opportunité. Comme toujours.

Des goûts et des couleurs :

En boucle sur votre iPod ?
J’aime la musique contemporaine et improvisée

Une personnalité que vous admirez ?
La photographe américaine Dorothea Lange a été une grande inspiratrice pour moi. J’admire aussi le photographe tchèque Koudelka qui ne vivait avec rien, simplement un sac sur le dos, et qui a réalisé des photos magnifiques.

Un endroit où vous sentez bien ?
Dans les montagne, avec les éléments naturels, dans la tempête, dans la neige...Quand on se sent tout petit dans cette nature si forte.

Le truc que vous appréciez chez les autres ?
La sincérité

Le truc qui vous énerve chez les autres ?
Les gens tellement fermés sur eux-même que cela donne une certaine agressivité. L’intolérance est vraiment une maladie.

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