Clément Cogitore, artiste plasticien et réalisateur, est un homme d'images.
© Sandrine Bavard Clément Cogitore, artiste plasticien et réalisateurPropos recueillis en juin 2014.
A 30 ans à peine, Clément Cogitore aligne les lignes prestigieuses sur son C.V : ses courts-métrages et ses documentaires sont sélectionnés dans les grands festivals, ses œuvres ont été affichées au centre Georges Pompidou ou au Palais de Tokyo dans des expositions collectives. Et aujourd’hui, c’est sur son seul nom qu’est bâtie l’exposition Fictions au Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg : « C’est le premier musée d’art contemporain dans lequel j’ai mis les pieds, et cette visite m’a conforté dans ma vocation d’artiste. Du coup, revenir 15 ans plus tard pour montrer mes propres images, c’est émouvant », confie l’artiste.
Clément Cogitore a préparé en partie cette exposition lorsqu’il était en résidence dans la prestigieuse villa Médicis à Rome, tant convoitée par les artistes et les directeurs : « C’est un endroit magique, une des plus belles résidences du monde, des jardins parmi les plus beaux de Rome, habités par les fantômes prestigieux d’Ingres ou Berlioz, où l’on rencontre des gens très intéressants. Cela arrive une seule fois dans sa vie d’artiste d’être payé sans avoir de compte à rendre, c’est très important pour se charger et avancer ».
Et le jeune homme ne traîne pas. Clément Cogitore a grandi à Lapoutroie et se découvre une vocation artistique à l’adolescence, bien aidé par un grand-père cinéphile qui initie la fratrie au 7e art (3 d’entre eux sont réalisateurs). Lors de ses études aux Arts déco de Strasbourg, Clément Cogitore abandonne la peinture pour la photographie et la vidéo : « Je suis trop maladroit pour être peintre. La mise en scène est pour moi une manière de peindre, moins physique, plus cérébrale ».
Maladroit avec un pinceau, peut-être…Mais très habile pour juxtaposer des images, réelles ou fictives, sophistiquées ou volées : « J’aime détourner des images, que ce soit des images d’actualité, d'amateurs, un portrait de famille, ou un paysage, pour déplacer le regard du spectateur et révéler autre chose. Par exemple, la vidéo de Julian Assange entrain de danser a été filmée par un DJ à Reykjavik, mais j’en ai fait une boucle et j’ai enlevé la musique pour raconter sa solitude », commente l’artiste.
L'artiste s'inspire aussi bien des images contemporaines comme celle qui défilent sur Internet ou dans les médias, que des peintures historiques et académiques. « Les questions que ces images posent, malgré l’évolution technologique, sont les mêmes, comme si on n’avait jamais trouvé de réponses. Ce sont les questions du pouvoir, de l’amour, du deuil, de la vie après la mort. L’art est une manière de formuler ces questions et d’en éprouver le vertige », explique le jeune créateur.
Pas étonnant dès lors que ses travaux empruntent à l’iconographie religieuse, mais version technologique, mêlant profane et sacré, visible et invisible. Comme cette Annonciation version génération Y, où l’archange Gabriel est remplacé par un téléphone portable. Ou encore cette Elégies, une vidéo où l’on voit une foule d’anonymes, tournés comme un seul homme vers une scène, portable à la main, dans une sorte de ferveur. « J’aime les images qui vont s’imprimer dans la tête du spectateur et qui amènent quelque chose de contradictoire. Dans cette vidéo, je m’appuie sur un poème de Rilke, qui dit que " Tout ange est terrible". Il n’y a pas de miracle sans malédiction, il n’y a pas de grâce sans terreur. J’aime les choses, comme ça, à double tranchant. »
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