Crémant vs. Champagne : que servir à vos invités ?

C'est l'éternel doute qui plane sur les tablées de fête en Alsace : que verser dans les coupettes de vos invités ? Du crémant bien de chez nous ou du champagne ? Le JDS tente une investigation corsée. Par Mike Obri

Il fait frisquet sur Baldersheim. L'horloge du salon affiche presque 19 heures. Toute la journée, vous avez été coincé dans votre cuisine, à préparer le repas familial de Noël. D'ici cinq à dix minutes, la sonnette va se mettre à retentir frénétiquement. Tonton, tata, papa, maman, les cousins qu'on a pas revus depuis trois ou quatre hivers : il va falloir faire bonne impression. Éviter d'ouvrir une bouteille d'Edelzwicker louche. À l'apéritif, comme de nombreux Alsaciens, vous hésitez. Vous allez sortir les flûtes, comme chaque année. Mais quel liquide allez-vous verser à l'intérieur ? Du crémant d'Alsace ? Bien de chez nous. Ou du champagne ? L'iconique.

DR A gauche, du champagne, à droite, du crémant, mais vous l'aviez deviné...

Quelle différence entre crémant et champagne ?

Question primordiale : quelles sont les différences entre un crémant et un champagne ? La technique d'élaboration du crémant d'Alsace est strictement la même que celle du champagne. Nous avons en réalité deux vins mousseux quasi-identiques l'un face à l'autre. Certains spécialistes ont même un mal fou à les reconnaître en test à l'aveugle. Déjà, ce qui change, c'est le nom. Un champagne ne peut être produit qu'en Champagne. Un crémant, lui, peut être produit dans différentes régions de France (Loire, Bourgogne, Bordelais...) Il possède parfois un AOC spécifique, comme le crémant d'Alsace, qui du coup, ne peut être produit qu'en Alsace. Logique. Le crémant représente près d'un quart de la production totale des vins d'Alsace.

À ce stade, trois facteurs vont déterminer les caractéristiques d'un crémant et d'un champagne : la composition des sols, le climat et les cépages utilisés. Au niveau des raisins, la région Champagne produit son effervescent principalement avec du Chardonnay, du Pinot Meunier et du Pinot Noir. En Alsace, on sera plutôt sur du Pinot Noir, de l'Auxerrois, du Pinot Gris, et éventuellement un peu de Riesling. « Qualitativement, les crémants rattrapent le champagne depuis plusieurs années. J'ai le sentiment qu'on élabore avec plus d'attention le crémant qu'auparavant... parce qu'il y a aussi plus de demande », explique Jean-Pierre Zusslin, jeune vigneron à la tête du Domaine Valentin Zusslin d'Orschwihr, une maison qui fonctionne en biodynamie depuis 1997 et qui est très attachée à produire de grands crémants. « La vinification est la même qu'un champagne, avec la première fermentation en foudres, la filtration, la mise en bouteille, la deuxième fermentation en bouteille, l'élimination du dépot puis l'incorporation finale de la liqueur d'expédition ».

Une notoriété internationale qui se paye

L'élaboration du crémant est la plus casse-pied des vins d'Alsace : il faut tourner les bouteilles régulièrement pour éliminer les dépôts naturels de tartre (hé oui !), congeler les cols, ouvrir les bouteilles pour en expulser les dépôts, et enfin refermer les bouteilles... « En règle générale, on dit que le champagne a un peu plus d'acidité. Le crémant d'Alsace a un style un peu plus vineux, avec des arômes que l'on retrouve dans nos vins tranquilles. Mais la vraie différence, c'est surtout une question d'image et de notoriété. Partout dans le monde, on connait le champagne. C'est l'image même de la fête. Cette image se paye. Le consommateur est prêt à débourser davantage, et les vignerons, dont le foncier est nettement plus cher en Champagne qu'en Alsace, doivent aussi rentabiliser leurs exploitations », détaille Jean-Pierre Zusslin. Et voilà, c'est dit : entre champagne et crémant, le choix est avant tout philosophique. Bien sûr, toutes les bouteilles ne se valent pas non plus. Mais là, il nous faudrait encore une ou deux pages... Hopla, s'gilt !