La Grange de l'Oncle Charles, c'est le genre de projet qui vous fait vous dire que finalement, le monde ne va pas si mal que ça. Parti de rien, un jeune charpentier monte son petit domaine, s'acharne à faire du vin aussi qualitatif que possible, le tout en biodynamie, avec beaucoup de respect pour la nature et le vivant. En quelques millésimes, la maison se taille une belle réputation, particulièrement à l'export. « Je sors 40 000 bouteilles sur une année normale, et tout est réservé ! », s'étonne Jérôme François, même pas trente piges.
DR Jérôme François et Morgane Stoquert surveillent leurs cuvées. Le cheval Sirus en mode "pause café" dans les vignes.Le domaine se trouve à Ostheim, précisément dans la grange qui appartenait - en effet - au papi Charles. Jérôme, assisté par son amie Morgane Stoquert, loue des parcelles de vignes de Saint-Hippolyte à Ammerschwihr. Un morcellement certes pas évident à gérer, mais c'est un choix délibéré : certains raisins mûrissent du côté de Grands Crus comme le Kaefferkopf ou le Rosacker.
En revanche, depuis les dernières vendanges, plus question d'aposer la moindre origine géographique sur ses étiquettes : Jérôme n'est plus autorisé à faire du Vin d'Alsace, mais du VDF - du Vin de France, sorte de fourre-tout assez mal (re)connu du grand public. Telle est la règle.
« Quitter l’AOP Alsace ne fut pas de gaieté de cœur, mais le cahier des charges ne me laisse pas le choix. C'est dommage, je crois beaucoup à l'appellation "village" qui n'est pas valorisée en Alsace, au détriment du seul cépage. En Bourgogne, tu achètes un Meursault, un Nuits-Saint-Georges... Ici, tu n'achètes jamais un Ammerschwihr, un Riquewihr... Certaines de mes bouteilles se retrouvent sur les tables de grands restaurants aux états-Unis, en Asie... c'est plutôt la classe, non ? Mais sans origine géographique sur les étiquettes, ce n'est plus un atout pour la région », note à juste titre le vigneron. Pas de nom de village pour les Alsace, c'est ainsi...
Jérôme François ne croit pas au seul cépage : il fait de la complantation et replante d'anciens cépages alsaciens (presque) disparus. « Mes modèles, ce sont Marcel Deiss, Ostertag... On traduit l'expression d'un terroir, une vibration. Jamais de tracteurs dans les vignes, que les chevaux pour que le sol reste vivant, aéré. L'enherbage conserve l'humidité : la vigne connaît moins de stress hydrique, donc moins de soucis d'azote, puis moins de problèmes de fermentation », analyse-t-il, en observant ses deux chevaux de trait, Fastoche et Sirus, au pré, qui piquent des galops avec la quinzaine de moutons d'Ouessant du domaine - véritables petites tondeuses sur pattes.
De retour à la cave : coup de cœur pour sa cuvée Mille Lieux, assemblage de tous les cépages alsaciens de vingt parcelles différentes. Là, plus question d'exprimer un terroir unique, mais de croquer l'Alsace dans un seul et même verre... bien qu'il ne puisse plus revendiquer la région sur ses bouteilles ! C'est généreux, très facile d'accès.
Les cuvées Le Village des Amoureux ou La Colline du Scarabée sont plus pointues, salivantes, à marier avec une cuisine raffinée. On comprend pourquoi les grands chefs comme Olivier Nasti ou Jean-Luc Brendel mettent à leur carte les vins de Jérôme : leur complexité parachèvent de la plus belle des manières celle de leurs assiettes étoilées Michelin. Mike Obri
Rue de la Fecht à Ostheim
www.lagrangedelonclecharles.com
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