Les amateurs le savent bien : la saine gestion d’une cave à vins passe nécessairement à un moment ou à un autre par la case "achat ". Nous avons tous rêvé d’échapper par magie à la triste loi "une bouteille bue disparaît automatiquement de notre cave" mais il s’agit là malheureusement d’une utopie. Habiter le Haut-Rhin et acheter de grosses quantités de vin d’Alsace en supermarché est, selon nous, une hérésie mais qu’en est-il des autres régions ?
Une des réponses possibles : les foires aux vins des commerces et supermarchés. (Il en existe d’autres tout aussi efficaces, la visite régulière des cavistes, l’achat de vins en primeur, internet, les promenades chez le viticulteur, les salons de vignerons...).
Au fil des années nous vous avons transmis quelques vérités sur le vin. Il n’y a pas réellement de mauvais millésimes, même s’il en existe des merveilleux. Mieux vaut se fier aux vignerons et, surtout, à son propre palais.
Nous sommes encore nombreux à prendre comme parole d’Evangile les petites étoiles qui accompagnent une année mais l’expérience relativise les classements. Ceux-ci ne peuvent malheureusement que traduire une moyenne et il faut se souvenir de la définition du statisticien : il a les pieds au frigo, la tête dans le four mais en moyenne, il est bien. Les indications suivantes seront donc à relativiser en fonction du savoir-faire et de la réputation de la maison concernée. Faites votre choix !
2005 : une année globalement très qualitative, toutes régions confondues. Des vins que l’on peut attendre car l’acidité est présente et la longévité est quasi-garantie. Les meilleurs professionnels en auront tiré un nectar et les plus moyens un breuvage correct. Petit problème : tout le monde le sait et il sera difficile de trouver des exceptions à petit prix. Depuis quelques années une politique générale se dessine dans toutes les régions : on diminue fortement les rendements pour favoriser la concentration des matières. En moyenne – 10% par rapport à 2004. Résultat ? les mauvaises années n’existent plus vraiment.
2006 : rappelons-nous que les foires aux vins seront, comme d’habitude, dominées par les vins de bordeaux et ce millésime sera donc peu présent, hormis pour les vins d’Alsace et, épisodiquement pour d’autres régions moins prestigieuses (Beaujolais). Une année plus difficile, donc, comme aiment le déclarer les initiés : une année de vigneron. En moyenne, ne nous attendons donc pas à des sommets même si, comme toujours, l’une ou l’autre bouteille nous réservera de bonnes surprises. Il est prudent de goûter.
Depuis la mondialisation, le champagne a le vent en poupe et les prix grimpent. + 15% en quelques années avec une inflation zéro. Idem pour les crus les plus prestigieux, toutes régions confondues. Les maisons Roederer et autres Ruinart se frottent les mains devant les joyeuses perspectives. Pour un petit apéro entre nantis, prévoyez deux bouteilles de Crystal Roederer, comptez 280 euros. Enchaînez avec un Château Mouton Rothschild 1989 à 352 euros ou, mieux, un Château Cheval Blanc 2000 à 1200 euros la bouteille et vous voilà transporté dans le monde merveilleux de l’indécence. Mais la loi de l’offre et de la demande se soucie peu des visions humanistes.
Plus raisonnablement, nous vous proposons de réjouir vos papilles en faisant confiance à des personnes entraînés et qui ont la gentillesse de nous faire part de leurs découvertes passionnantes. A votre tour de faire quelques efforts pour dénicher ces flacons. C’est jouable :
La Grange aux Belles. Une maison d’Anjou qui fabrique des petites merveilles, comprendre des vins épatants très équilibrés et sans mollesse à des prix encore abordables (aux alentours de 10 euros. Surveillez les foires aux vins ou consultez un spécialiste ou Internet.)
Domaine Alyssas "tissu", Côte du Tricastin. Un Syrah (2005) qui rallie généralement tous les suffrages du public, spécialisé ou non. Pour évoquer ce flacon, Bernard, au téléphone se transformait en poète et me déclarait « en débouchant la bouteille, on entend les cigales ». Environ 8 euros. Ces deux vins sont des valeurs sûres qui ont enthousiasmé Bernard Desvignes (marchand de vins. Son restaurant le Clos des Combes, rue de l’Arsenal, avait à l’époque séduit pas mal de gastronomes mulhousiens).
La gloire de mon père (2005). Un Bergerac rouge. Fifty-fifty Merlot/Cabernet qui réussit à faire rougir les concurrents du Bordelais. Nous ignorons si le nom est inspiré par le livre de Pagnol mais à 11.90 euros et conseillé par Georges Henner (maison du Vin à Mulhouse) nous l’invitons d’office dans nos verres.
Rotier Gaillac cuvée renaissance (2004). Un rouge à grand potentiel et surprenant. Un assemblage qui allie puissance et équilibre avec des notes poivrées. Bon potentiel de garde et prix raisonnable : 8,70 euros. Idem, chez Henner.
L’achat en primeur consiste à acheter 2 ans à l’avance des grands crus qui sont conservés par les châteaux ou domaines jusqu’à leur libération. Cette tradition était essentiellement bordelaise mais la tendance s’accentue car devant la forte demande et la limitation des stocks, c’est parfois la seule garantie d’être approvisionné. Certains acheteurs utilisent cette voie pour spéculer. Face au "déjà mythique" 2005, les prix du 2006 ont chuté de 15% en moyenne. Avec le temps et la rareté, les prix des bons flacons montent systématiquement. Ceux qui ont réservé le 2004 en primeur avouent déjà 25% de plus value. Pas mal...
Tout le monde connaît les Aoc (Appellation d’Origine Contrôlée). L’idée initiale était de garantir une qualité, une typicité pour que l’acheteur final sache à quoi s’en tenir. Pour faire figurer une appellation sur une étiquette le vigneron doit obtenir un agrément par un organisme lui-même agréé par l’INAO (Institut National de l’Origine et de la Qualité). Dans la pratique, on prélève chez le vigneron un échantillon de chaque cuvée et on soumet le produit à une analyse chimique poussée. Ensuite, le vin subit une dégustation basée sur les défauts et l’absence de caractère mais aucunement sur ses qualités. Le but est de le faire rentrer dans une norme.
Sortir du standard est un risque et certains vignerons osent l’assumer ouvertement. Relégué dans la catégorie "Vin de Pays" ou même plus basiquement "vin de table" ils ont décidé de mettre le consommateur devant ses responsabilités, parfois non sans un certain humour.
Didier Dagueneau, est une star incontestée de l’appellation Pouilly-Fumé (ces célèbres Silex, Pur sang, Asteroïd...). Ses bouteilles atteignent des sommets de concentration et de densité. Parfois le magicien va trop loin sur des chemins bizarres et on lui refuse l’agrément de certaines cuvées. Qu’à cela ne tienne, fort de sa réputation, il les commercialise sous des noms fantaisistes. Une année ce fut "La Quintessence de mes Roustons".
Plus près de nous, dans le Bas-Rhin, André Ostertag un vigneron bio-dynamique un peu artiste s’est rendu célèbre en commercialisant un vin déclassé par la commission. Son A360P est devenu... un classique.
Bref, phénomène de mode, tous les journaux vous parlent de ces ovnis mais ces vins atypiques représentent encore une quantité infime de la production. Une présence occasionnelle sur votre table prouvera que vous êtes vachti Fashion.
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