Nous connaissons tous son air débonnaire lorsqu'il trône au milieu du plateau de fruits de mer, sur son lit d'algues et de glace. Le tourteau semble, vivant comme mort, royalement paisible mais ne nous y trompons pas : c'est l'animal moderne le plus métaphysique dont nous pourrions traiter dans une rubrique gastronomique. Nous vous demandons d'éloigner les enfants sensibles de cette rubrique...
© John A Trax Jr - Fotolia.com Le tourteau, prince de la merCe sont des résidus végétaux solides qui subsistent après extraction de leur huile, leur graine ou leur fruit. Les vaches en mangent mais ce n'est pas là le propos de notre dossier. Notre tourteau est un crabe. Plus exactement un gros crustacé décapode (2 pinces et 8 pattes poilues) que l'on rencontre sur l'ensemble des côtes françaises. Au bord pour les plus jeunes, jusqu'à 300 m de profondeur pour les adultes. Car ils sont carnassiers, on les pêche généralement en casiers en les appâtant avec du cadavre frais de poissons. Sinon, et c'est important pour la suite, ils se nourrissent de vers, de coquillages, de crustacés plus petits qu'eux. Ils les dévorent vivants parfois.
Il n'y a rien de plus désagréable pour l'amateur que de se retrouver devant une carcasse quasi-vide. Les habitués tapotent leur couvercle : si le son est bon, ils fredonnent Get Up' Stand Up de Bob Marley sur le djembé improvisé puis le repose car il est probablement vide (il a mué récemment, il y a quasi absence de chair, c'est un crabe « clair »). Un son sourd est de meilleure augure. D'autres les retournent – ils savent que les pêcheurs ont sectionné préventivement les tendons des pinces – et observent la couleur du ventre : jaune oui, blanc, non. La languette abdominale renseigne sur le sexe, étroit chez le mâle, large chez la femelle. Elle est souvent plus pleine et goûteuse que son compagnon mais ses pinces sont moins grandes. Cruel dilemme.
C'est bizarre... il bave et semble bouger les pattes. Lorsque je le pose sur l'évier on dirait qu'il veut jouer de la batterie sur l'inox. Êtes-vous sûr qu'il est mort ?
Voilà. Nous y sommes. Il est vivant. Et vous allez devoir le tuer vous-même. Notre société a l'habitude de sous-traiter l'acte alors qu'au siècle des Lumières l'un ou l'autre tentèrent de revisiter le précepte de Plutarque, un philosophe grec végétarien qui conseillait, quitte à manger de la viande, de commencer par tuer l'animal soi-même. Il était à juste titre persuadé que cela freinerait la consommation de côtes de bœuf. Plus récemment, en 2011, Mark Zuckerberg le célèbre fondateur de Facebook décidait, lui aussi, et pendant un an, de ne plus manger que de la viande qu'il aurait lui-même tué. Il aurait commencé par du homard. Notre avis : le tourteau n'est pas un ange. Il est lui-même carnassier. Vous allez le tuer pour vous nourrir. Vous le ferez sans haine et vous tâcherez de minimiser sa souffrance. Votre steak haché de midi n'a pas eu autant d'égard.
Le tourteau se plonge vivant dans de l'eau. Certains imaginent abréger ses souffrances en provoquant le choc thermique dans de l'eau déjà bouillante mais les restaurateurs sont quasi unanimes et démarrent à l'eau froide pour ne pas fabriquer une bouillie difforme (explosion mousseuse, dislocation des pattes...). Une nouvelle école propose de l'anesthésier avant en le plaçant en hypothermie. Vingt minutes dans le congélateur suffiront. Puis démarrage à l'eau froide qu'on monte progressivement jusqu'à ébullition.
Comment cuisiner le tourteau ?
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