Cet événement majeur, dont la portée nous échappe, nous incite à apporter notre petite pierre à la construction. Pas de véritable repas français sans fromage, ni convivialité sans humour, et notre mensuel va s'intéresser à notre spécificité nationale qui, dans un souci d'égalité et du respect des différences, réussit à placer sur deux piédestaux côte à côte le parfum qui sent bon et les fromages qui puent.
© Dani Vincek - Fotolia.com La ronde des fromages de NoëlDans notre pays, vache, chèvre et brebis pourraient suffire à classer nos spécialités fromagères, mais ce serait trop simple. Ce serait ignorer la complexité d'un peuple qui, plus qu'un autre, se revendique comme une somme d'individualités qui choisissent un destin commun et non comme un tout préformaté uniforme. Charles de Gaulle ne s'y est pas trompé en déclarant : « Comment voulez-vous gouverner un pays où il existe plus de 300 sortes de fromage ? ».
Notons que l'on admet aujourd'hui la présence d'un millier de fromages différents sur les étals français.
D'autres se sont concentrés sur un classement plus technique selon la particularité d'élaboration. Pâte pressée (non cuite, demi-cuite ou cuite), pâte molle (à croûte fleurie, lavée ou naturelle) et pâte fraîche (filée, fondue ou persillée). Chaque région revendique sa tradition, son terroir d'animaux et de pâturages, son savoir-faire mais tous les vrais amoureux de fromage se retrouvent pour dénoncer l'industrialisation et les normes européennes bien trop drastiques pour empêcher à long terme une uniformisation du goût.
L'ennemi ? La pasteurisation. Ce procédé, qui consiste à chauffer à 72° pendant une trentaine de secondes le lait, permet de conserver plus longtemps le produit et d'éviter la prolifération de sinistres bactéries déclarées dangereuses pour la femme enceinte et tous les hypocondriaques de la terre. C'est bien évidemment au détriment du goût car la température élimine une bonne partie des ferments lactiques.
La solution ? Le lait cru... A part la femme enceinte qui, de toute manière préfèrera manger des cornichons en pleine nuit avec une tartine de miel, nous ne pouvons qu'inciter nos lecteurs à pencher pour les produits fermiers à base de lait cru. Le lobby des petits producteurs est certainement moins efficace que ceux des industriels, sinon nous apprendrions que ce procédé naturel, outre le goût, agirait contre certaines allergies et serait champion pour reconstituer la flore intestinale après absorption d'antibiotiques.
Confectionner son plateau de fromages
Évitons le pire...choisissons l'idéal !
Le plateau de fromages, c'est un peu comme une cave à vins idéale : une utopie et une quête.
On peut commencer par aborder le problème à l'envers.
Quel serait le pire des plateaux de fromages que l'esprit humain soit capable d'envisager ?
- Quatre portions de fromage cuit à pâte fondante élégamment enchâssées dans son écrin d'aluminium, agrémentées d'une petite languette rouge d'ouverture.
- Un fromage à pâte pressée sans croûte de couleur jaune pantone® 123C, sans trous aléatoires (prévoir un petit supplément pour les trous).
- Un fromage ludique avec de la cire rouge autour.
- Un fromage à pâte molle et croûte fleurie présenté dans son boîtier ovale avec des anges qui jouent de la trompette sur la pochette.
- Un fromage frais dans sa collerette aluminium parsemé d'épices vertes, gage d'authenticité et de goût.
Ce type de plateau est néanmoins cohérent, harmonieux et convient à la femme enceinte. Un excellent rapport qualité prix, comprendre pas cher et pas bon.
Un plateau qui tend vers l'idéal
Un choix de fromages est question de plaisirs et de diversité. Si nous supposons une invitation, la diversité devient prédominante pour satisfaire tous les goûts. Nous vous proposons une classification basée sur l'expérience, donc une lumière qui éclaire forcément dans le dos. Les connaisseurs apprécieront notre liste et sa montée progressive en régime. Il y a un ordre dans le chaos !
Catégorie pâte molle : Camembert/Brie/Coulommiers... Evitez la surabondance de saveurs identiques. Choisissez l'un ou l'autre. Un incontournable dont l'absence serait trop remarquée.
Catégorie pâte dure cuite : Comté/Gruyère/Emmenthal/Beaufort/Parmesan... Nous avons connu un jour quelqu'un qui n'aimait pas le comté de fruitière que nous lui proposions. C'est un bonheur de côtoyer l'exception qui confirme la règle.
Catégorie pâte dure : Cantal/Saint-Nectaire/Tomme de Savoie... Attention, nous évoquons le fermier, une croûte marquée par l'amour et le temps, un produit de terroir et surtout pas un ersatz industriel pour cantine scolaire.
Catégorie pas la vache : Chèvre secs, demi-secs, frais/Brebis... Puisez dans ce registre pour accroître la palette de sensations. Les amateurs de jeux de mots stupides apprécieront la catégorie et s'empresseront de rajouter « les flots ».
Catégorie à pâte persillée : Bleu de Bresse, Roquefort, Fourme... Faut arrêter de rigoler et commencer à affoler les papilles. L'ultime étape avant d'aborder le vif du sujet. Certains évoqueront l'innommable.
Catégorie l'innommable : ma préférée. Que dire ? Qu'écrire? Cette catégorie reine se doit de ponctuer la dégustation. Sa saveur doit écraser les précédents. Munster/Langres/Chablis/Vieux Boulogne/Pont l'Evêque/ Epoisse... Epatez vos invités !
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