On nous avait prévenu avant d'y aller. Le chef Jean-Yves Schillinger a la réputation d'être un homme de tempérament. Au franc-parler incisif. Et si ça ne vous plaît pas, c'est le même tarif. Oui, on nous avait prévenu. Réjoui, mais avec une légère pointe d'appréhension quand même, nous entrons dans son temple gastronomique, situé au coeur de la Petite Venise de Colmar, le JY'S - prononcez à l'américaine, le D'jaïsse, et pas à l'alsacienne, le Chisse... L'établissement est étoilé depuis 2004. En février dernier, le JY'S est devenu le troisième deux étoiles du Haut-Rhin. Jolie distinction.
© Mike Obri Jean-Yves Schillinger en cuisineJean-Yves Schillinger est aux fourneaux. Grâce à la cuisine ouverte sur la salle, on le remarque s'affairer de loin. Le chef est reconnaissable entre mille, avec sa chevelure dorée et ses faux airs de Gordon Ramsay. Arrive l'instant des cordiales salutations. Et puis l'erreur, bête. « - Enchanté de faire votre connaissance, monsieur Schillinger - Attendez après le repas pour me dire si vous êtes enchanté de me rencontrer ou non ! » Il sourit. Ouf. « Allez, entrez en cuisine, faites vous une petite place ! » Façon physionomiste à l'entrée du Macumba, il relève le plateau amovible qui permet d'accéder aux coulisses. Jean-Yves Schillinger, le tôlier. Le matin, c'est lui qui ouvre la porte du restaurant en premier. Le soir, c'est lui qui la referme. Six personnes s'activent dans la toute petite cuisine du JY'S. à sept, vous n'y tenez déjà plus. Ce jour-là, ça bosse en silence. Seuls quelques « oui chef ! » viennent couvrir le crépitement des casserolles de temps en temps.
« C'est sûr, je suis un brin provocateur... mais j'ai fait mes preuves. J'ai un caractère bien trempé. ça doit venir de mon père. C'était un homme assez dur », glisse Jean-Yves Schillinger, tout en continuant la préparation minutieuse des assiettes qui défilent sur son plan de travail. L'histoire de cet homme est inextricable de celle de son père, Jean Schillinger. Jean Schillinger était lui aussi un chef fort réputé. Doublement étoilé et très apprécié. Une nuit de décembre 1995, tout s'arrête de façon brutale. De nombreux Colmariens s'en souviennent encore. Jean Schillinger disparaît dans l'incendie criminel de son restaurant, à 61 ans. Cela faisait huit ans que Jean-Yves travaillait à ses côtés, en cuisine. Une seule nuit et c'est le chaos.
« Les gens ont oublié que je m'en suis pris plein la gueule. C'était très très dur. Par la suite, il y a eu des conflits familiaux autour du restaurant. J'ai dû m'endurcir. J'ai préféré quitter Colmar pour tout recommencer ailleurs. Ma femme Kathia m'a suivi à New-York. Un ami, Jean-Jacques Rachou, avec qui j'avais déjà travaillé là-bas, m'a proposé de reprendre un restaurant. On a emprunté 160 000$ et c'était parti », explique Jean-Yves Schillinger.
L'aventure américaine, de 1997 à 2002, sera couronnée de succès. Jean-Yves Schillinger, avec sa french touch et son expérience d'étoilé Michelin, obtient rapidement les faveurs de la presse gastronomique locale. Et des clients huppés de l'Upper East Side.
« L'expérence new-yorkaise m'a permis de fusionner les cuisines du monde, de mélanger les classiques français avec la cuisine asiatique, des spécialités du Pérou... La clientèle new-yorkaise est très fidèle et revient souvent. Il fallait que je change la carte tout le temps. J'ai conservé cet état d'esprit ici, à Colmar. Même chose pour le service, la déco. Il n'y a pas de sommelier chez nous. Je n'ai jamais voulu d'un truc guindé où les serveurs vous tournent autour, comme cela pouvait être le cas du temps de mon père. Ma clientèle est assez jeune, beaucoup de trentenaires, de quarantenaires. De toute façon... les vieux grincheux ne reviennent pas, ils disent que la déco fait trop moderne et qu'ils glissent sur les canapés ! » Jean-Yves Schillinger éclate de rire. Nous aussi !
L'euphorie continue en avalant l'esturgeon fumé mariné comme un tartare et sa crème vodka, avec une cuillère de caviar façon cerise sur le gâteau. De quoi rendre jouasse, avec un bon chardonnay pour se rincer le bec. Mentionnons un détail que l'on a parfois tendance à passer sous silence : le pain. Toujours croustillant et chaud, servi dans sa petite boîte design imaginée par la femme du chef, pour qui « tout est dans le détail ». Les plats de Jean-Yves Schillinger mélangent les influences avec brio. Pour ceux qui ont fait le tour des grands classiques français et cherchent quelque chose de différent dans l'assiette, le JY'S est votre lumière dans la pénombre. « Je n'aime pas parler de ma cuisine. Les types qui en parlent comme si c'était de la poésie, ça me fait toujours marrer », s'amuse Jean-Yves Schillinger. à vous de vous faire votre propre avis.
Deux étoiles Michelin. C'est chouette. Mais on ne saurait omettre les deux autres étoiles du chef. Sa femme et sa fille. Kathia et Camille. « Sans elles, je ne serais pas là. Quand on m'a annoncé au téléphone le deuxième macaron, j'en ai chialé. Vous voyez, je ne suis pas si dur que ça ! Il y a trois ans, j'ai arrêté net toutes mes activités de consulting et mon implication dans d'autres restaurants, ça me bouffait trop d'énergie. Je me suis recentré sur le JY'S. Quand je suis revenu à Colmar, personne ne m'a tendu la main, on a considéré que j'étais le fils de... Aujourd'hui, je suis un homme heureux. J'avais une revanche à prendre... » Monsieur Schillinger : elle est prise.
Où :
JY'S ** - Colmar 68000 Colmar
Contacts :
03 89 21 53 60
www.jean-yves-schillinger.com
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