En anglais, on parle de sustainable chemistry, la chimie durable, qui reprend les concepts du développement durable, respectueuse de l'environnement et des hommes. A l'origine, on appelait chimie verte la chimie biosourcée, c'est-à-dire la chimie faite à partir des plantes alimentaires ou non (céréales, maïs...) qui servaient à faire du biocarburant. Mais ce n'est pas la vraie chimie durable et éthique : il y a eu un cas au Mozambique où des champs de sorgho ont été cultivés pour faire du bio carburant en face de populations qui mourraient de faim, et la récolte a été volée. En France, pour des raisons culturelles, il n'est pas considéré comme éthique de faire de la méthanisation ou autre synthèse chimique à partir de denrées nutritives (contrairement à nos voisins Allemands). Nous utilisons des déchets d'abattoirs ou d'agriculture céréalières (tige, feuille, etc.)
© Sandrine Bavard Stéphanie Freitag, responsable de l'option chimie verte à l'école de chimie de MulhouseAvant, on faisait de la chimie avec plein de déchets et en gaspillant l'énergie. Le but du jeu est de trouver une synthèse finale produisant le moins de déchets possibles, en vérifiant toutes les étapes du processus. On va faire des catalyses, c'est-à-dire accélérer la réaction en ajoutant un produit régénéré à la fin : en ajoutant un catalyseur (platine ou fer par exemple), la réaction va plus vite, donc on économise de l'énergie et du temps. On utilise aussi des réactions sans solvants, des synthèses par micro-ondes, pour éviter les rejets dans la nature. Si on prend l'exemple de la synthèse de l'ibuprofène, elle produisait en 1960 60% de déchets contre 1% seulement aujourd'hui ; on la faisait en 6 étapes contre 3 aujourd'hui. La chimie verte ne va pas se passer de pétrole, mais optimiser son utilisation.
Tout le monde fait et fera de la chimie verte, parce que la nature ne peut subvenir à nos besoins exponentiels. La chimie ne peut survivre si elle ne s'adapte pas, parce qu'on vit une crise économique et qu'on ne peut travailler à perte, parce qu'on vit une crise écologique et qu'il faut retraiter les déchets. La chimie ne peut se faire non plus au détriment des hommes. Nous sommes par exemple contraints par la réglementation européenne REACH (1) à réduire la quantité de solvants nocifs pour l'homme dans les substances chimiques. On doit trouver des produits moins dangereux mais tout aussi efficaces que ceux qui ont été supprimés.
Quand on va en magasin et qu'on achète un produit cosmétique bio, on peut constater que les parabènes (2) ont été remplacés par des huiles essentielles. C'est bio, c'est vert, mais cela ne veut pas dire que ce n'est pas dangereux, parce que certaines personnes y sont allergiques. Les gens ont tendance à croire que tout ce qui vient de la nature n'est pas dangereux, alors qu'on crie sur tous les toits que la chimie l'est. C'est faux : savent-ils seulement qu'ils mangent tous les jours du cyanure (sous forme de ferrocyanure inoffensif, additifs : E535, E536, E538) avec leur sel de cuisine sans problème? Et qu'en mangeant une noix de muscade entière, ils pourraient en mourir ? Et la chimie étant présente dans tout ce qui nous entoure, le monde ne tournerait plus de la même façon sans elle.
(1) Ce règlement fait porter à l'industrie la responsabilité d'évaluer et de gérer les risques posés par les produits chimiques et de fournir des informations de sécurité adéquates à leurs utilisateurs.
(2) Substances qui perturberaient la fertilité et induiraient certains cancers
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