Contraction d’urbain et d’exploration, l’urbex consiste à prendre en photo des lieux abandonnés, souvent fascinants et au large pouvoir évocateur. Bien qu’elle soit dans l’air du temps, l’urbex n’en demeure pas moins une activité interdite. Voulez-vous en savoir plus ? Par Mike Obri
La pratique de l’urbex émerge dans les années 80, à la faveur de la multiplication de grands sites industriels laissés à l’abandon. Des verrues... pour le commun des mortels. Des endroits mystérieux et dignes d’intérêt pour les explorateurs urbains : les urbexeurs. On préfère vous le préciser d’office : pénétrer dans une friche industrielle ou un vieux manoir délabré est bien évidemment illégal et peut surtout s’avérer dangereux (chutes, coupures, effondrements...).
Nous avons rencontré El Cheeba - son pseudo, car le principe de base de l’urbex est de rester discret - urbexeuse notoire en Alsace. La jeune femme a déjà photographié des dizaines et des dizaines de sites plus ou moins oubliés du Grand Est depuis une décennie. Elle se définit comme un ninja urbain. Même si l’entrée sur ces différents spots n’est pas tolérée, elle le fait sans jamais toucher à rien, sans rien altérer et sans faire de bruit. « On ne doit laisser que des traces de pas », lance-t-elle. Le travail d’El Cheeba possède d’évidentes qualités artistiques accentuées par une éthique de travail qui mêle discrétion et respect des lieux visités. L’urbexeuse exprime un réel amour pour ces sites abandonnés, un peu comme si elle leur chuchotait : moi, je ne vous oublie pas.
« Les sites industriels ont une âme, des couleurs, une odeur... Je dis souvent que dans chaque bled, il y a un trésor », poursuit-elle. Cette délicatesse se ressent dans ses photographies. On y perçoit une esthétique du délaissement. Une symphonie de la destruction, comme le chantait Megadeth. Des clichés qui auraient parfaitement leur place dans une exposition... mais El Cheeba ne se considère ni photographe, ni artiste, même si elle jouit d’une petite notoriété dans le milieu fermé des urbexeurs. L’exploration urbaine, c’est juste son loisir favori.
« C’est comme un grand jeu de détective. Il y a des spots que tout le monde connaît : la brasserie Fischer, l’ancienne Maison du Bâtiment, l’hôtel de Saint-Hippolyte qui est l’Amityville local... mais surtout plein d’autres endroits bien plus discrets. Il s’agit de les trouver. Et de ne pas le faire savoir, car je n’ai pas envie que ça devienne des parcs d’attraction. Je montre mes photos sur mon site web pour ceux qui trouvent ça cool, mais je ne m’amuse pas à les poster sur Facebook. Les dérives urbex où les types font n’importe quoi pour générer des clics et des vues, avec des délires à la Paranormal Activity, c’est merdique et ça nuit aux urbexeurs respectueux », explique El Cheeba.
Papiers peints dans leur jus. Photos jaunies. Lits cassés. Vitres brisées. El Cheeba n’est pas très fan des maisons abandonnées. « C’est trop directement lié à de l’humain, au privé, à l’intime. à la Clinique du Diable, on retrouve des fiches de paie et des dossiers médicaux par terre, c’est assez troublant. C’est pour cela que je préfère les usines ! ». Plaisir solitaire, l’urbex, n’est-ce pas un peu dangereux pour une jeune femme comme elle ? « Le côté interdit met un peu d’adrénaline, c’est aussi ce qui m’a plu à l’origine. On peut croiser des squatteurs ou des drogués de temps en temps, surtout en ville. Quand il y a des bruits inquiétants, je me cache... et je cours très vite ! Parfois, je suis tombée sur le propriétaire ou des ouvriers de chantier, mais en leur expliquant ce que je fais, ça se passe bien, même s’ils ne comprennent pas toujours ma démarche. Pour eux, ce sont des dépotoirs, des lieux qui ne méritent pas d’être photographiés », sourit la jeune femme, qui met un point d’honneur à répéter qu’elle n’encourage personne à l’imiter.
Aujourd’hui, El Cheeba prend en photo pour la deuxième et dernière fois une friche industrielle alsacienne qui sera bientôt rasée. Sur les murs, des tags aux qualités graphiques exceptionnelles. « L’urbex, c’est une pratique d’archiviste. Je compare l’évolution de certains lieux sur plusieurs années en y retournant : ça se dégrade beaucoup et c’est assez français. On aime tout casser, tout piquer. Les vieilles lampes industrielles ou les boîtes métalliques, tu les revois dans les brocantes du coin ! J’ai fait de l’urbex dans d’autres pays où l’on respecte davantage les friches... »
Ambiance de fin du monde, bizarreries d’un autre temps, lieux sinistres à la Shining... l’urbex est un catalogue de l’oubli.
Photos : www.cheeba.fr
Nous déconseillons formellement la pratique de l’urbex ! C'est interdit t'façon...
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