Jusqu'au 31/05/2010
Le numérique bouleverse l'économie du cinéma. En trois ans, le nombre d'écrans numériques a explosé en France, passant de 66 unités en 2007 à 900 en 2009. En France comme dans le Haut-Rhin, c'est le Kinepolis qui fait figure de précurseur, s'équipant de cette technologie dès 2005 à l'occasion de la sortie de Star Wars : Episode III - La Revanche des Sith : « A partir du moment où l'on s'est dit que le numérique était l'avenir, nous avons investi dans cette technologie qui équipe aujourd'hui 12 de nos 14 salles, avec 5 modules pour les projections en 3D. Car nous avons toujours souhaité mettre en avant notre vitrine technologique : confort de salle, qualité de projection, son DTS...», explique Jean-Philippe Calvo, Directeur du Kinepolis Mulhouse.
Mais la technologie numérique a un coût : environ 80 000 € pour un projecteur et son serveur, auquel il faudra ajouter les frais de câblage et de maintenance. Le Kinepolis de Mulhouse, qui réalise plus de 900 000 entrées par an, a fait le pari de financer à 100% ses équipements sans attendre les aides de l'Etat ou de la profession, le prix à payer pour être les pionniers en la matière ! Mais, comme tous les cinémas n'ont pas les moyens d'assumer ce lourd investissement, une contribution financière, appelée Virtual Print Fee (VPF), a été mise en place : elle est versée par les distributeurs, car ce sont eux les grands gagnants du passage au numérique. Ils réalisent en effet des économies de taille puisque la duplication d'une copie en 35mm leur coûtait 1000€ quand une copie digitale leur revient à ...150€. Sans compter la suppression pure et simple des frais de transports, puisque les copies numériques se téléchargent depuis un serveur.
Problème : cette contribution financière, dégressive, est versée pour les sorties nationales et les premières semaines d'exploitation, et les cinémas les plus modestes ne peuvent prétendre à cette manne financière. L'Etat va donc mettre la main à la poche, via le Centre national du cinéma (CNC) conformément à un décret publié le 2 septembre 2010. Cette aide s'adresse « prioritairement aux établissements de 1 à 3 écrans qui ne sont pas, du fait de leur programmation, susceptibles de générer de contributions des distributeurs pour couvrir au moins 75% du coût de leurs investissements ». En clair, le CNC s'engage sur une base de 74 000€ pour financer le matériel numérique. Une aide pourtant loin de recouvrir tous les frais comme l'explique Stéphanie Dalfeur, directrice d'Alsace Cinémas, qui regroupe 14 cinémas indépendants dans le Haut-Rhin : « Il y a souvent des travaux de gros œuvre à prévoir car les cabines ne sont pas assez grande pour contenir à la fois un projecteur numérique et 35mm. Or, il est très important pour notre réseau de garder un projecteur 35mm car la plupart des cinémas adhérents ont un dispositif d'éducation à l'image pour les collégiens et lycées et ils diffusent des films du patrimoine qui ne sont pas en copie numérique.»
Le réseau Alsace Cinémas souhaite une numérisation rapide et homogène de son réseau, soit tous les cinémas du Haut-Rhin hors Kinepolis et CGR, d'ici au 1er semestre 2011. Car cette transition soulève bien des enjeux. Par exemple, les cinémas du Sud Alsace (Rixheim, Wittenheim, Cernay, Thann...) se sont regroupés pour solliciter auprès des distributeurs des circulations de copies en 35 mm sur plusieurs semaines dans plusieurs cinémas. « Nous avons eu Harry Potter le jour de sa sortie, ce qui aurait été impossible si nous avions fait cette démarche en tant que salle individuelle», remarque Joëlle Jurkiewicz, directrice de l'Espace Grün à Cernay. Mais le numérique pourrait mettre en péril cette belle solidarité : « Le jour où les distributeurs ne proposeront plus que des copies en numérique et si certains de nos membres se sont équipés avant les autres, on va casser cette chaîne et on sera moins fort face aux distributeurs », prévient Stéphanie Dalfeur.
Mais les situations au sein de ce réseau varient d'un extrême à l'autre. Quoi de comparable en effet entre l'Espace Grun qui fait plus de 25 000 entrées par an et propose 32 sorties nationales de film et le Cercle d'Orbey qui enregistre près de 10 000 entrée par an et ne diffuse qu'un film par semaine sur un seul écran ? Ce cinéma, géré par l'association du Cercle des loisirs culturels du Val d'orbey, fonctionnant grâce à des bénévoles, fait partie des établissements dits « peu actifs », ceux qui programment moins de 5 séances hebdomadaires. Il est donc exclu pour le moment de l'aide du CNC : « Nous savons que nous feront l'objet d'un dispositif spécifique mais nous ne savons pas quand, déplore Maurice Voinson, son président. Cela nous inquiète car l'on voit bien les effets de la 3D sur le public et notamment sur les films d'animations. Nous ne réalisons plus que le tiers des entrées que nous faisions avant l'arrivée de la 3D. »
D'ici à 2012, toutes les nouvelles sorties se feront sur fichier numérique. Les cinémas qui ne seront pas équipés ne pourront diffuser que des films du répertoire, loin de l'actualité du cinéma. De quoi nourrir les inquiétudes de Maurice Voinson : « Si des petites salles comme la nôtre ne sont pas aidées pour s'équiper en numérique, c'est notre mort assurée ! »
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