Interview d'Abd Al Malik en concert à La Filature à Mulhouse

Abd Al Malik a conquis un public dépassant de très loin la sphère habituelle du hip-hop : son phrasé calme et intense, ses textes mêlant autobiographie et message humaniste, posés sur des ambiances jazzy, intimistes ou arrangées dans la tradition de la «grande chanson française», ont une portée universelle qui mène l’ex-gamin du Neuhof jusqu’aux Scènes Nationales... En attendant son concert événement le 28 à La Filature, l’auteur de Dante et Gibraltar se confie à Spectacles.

Abd Al Malik, vous êtes actuellement en tournée dans toute la francophonie, avez-vous une émotion particulière quand vous jouez en Alsace ?

C’est un peu le retour de l’enfant du pays, l’accueil est plus que chaleureux quand on joue à domicile ! On connaît les gens, en tous cas les mentalités, ça donne des grands moments sur scène.

Par exemple lors du «Conte alsacien», avec son passage en dialecte ?

Bien sûr, il fait toujours plaisir au public d’ici. Je ne maîtrise pas l’alsacien sur le bout des doigts, mais j’ai passé toute ma jeunesse à Strasbourg donc ça fait partie de la bande originale de ma vie. Je parle de mes racines dans ce morceau, ce côté régional en fait complètement partie… J’ai toujours dit à mes potes que j’inclurai du dialecte dans un de mes morceaux, bien sûr ils ne me croyaient pas. Mais quand le compositeur Gérard Jouannest m’a joué cette valse, je me suis dit que c’est le moment de s’y mettre.

Parce que chez vous, la musique vient avant les paroles ? Cela peut paraître surprenant !

Oui, on me fait écouter les compositions, et quand une mélodie me plaît je prends ma plume sans savoir ce que ça va donner. C’est ma méthode, elle est héritée du rap bien sûr, mais Jacques Brel procédait déjà comme ça avec le même Gérard Jouannest !

Revenons-en au concert : vos morceaux sont richement orchestrés sur disque, comment les transposer sur scène ?

Le disque, c’est une aventure, le concert, c’en est une autre. Et le moment de vérité, c’est sur scène, c’est là que c’est le plus important pour un artiste. Les morceaux sont forcément réarrangés, il y a des parties improvisées, mais ce qui compte par-dessus tout, c’est le rapport toujours différent avec le public. La recherche de l’harmonie, le partage, ça passe par un dialogue de cœur à cœur, où l’émotion prime : le langage, ce n’est pas que des mots, sur scène ça passe aussi par le regard,  c’est quelque chose qu’on ne peut pas ressentir sur disque ou en vidéo. Pour vraiment connaître un artiste, il faut le voir en concert.

Justement, depuis le succès de votre album Gibraltar, tout le monde croit vous connaître, vous rassemblez un public très large, ce qui crée une certaine attente autour de vous. N’est-ce pas dur à porter quand on veut s’exprimer librement ?

Cela me convient parfaitement, de m’adresser à des gens de 7 à 77 ans, de toutes couleurs, de tous milieux : cela crée du lien, de casser les clichés, il n’y a rien de plus beau pour un artiste. Derrière un artiste, il y a toujours un être humain avec son expérience qui s’écrit chaque jour : tant que je serai vivant, j’aurai des choses à dire ! Mon écriture est totalement mystique, la spiritualité soufie me nourrit et me connecte à mon essence, elle m’offre la compréhension, l’objectivité, et la possibilité d’un vrai échange.

Abd Al Malik en concert à la Filature le 28 novembre